Sortie d’une liasse-compilation des numéros 1 à 10 de Mauvais Sang !

Mis en avant

A l’occasion du numéro 10 et après les 3 ans d’existence du journal, nous mettons à disposition une liasse-compilation des 10 premiers numéros du journal, avec une introduction écrite pour l’occasion !

Vous pouvez retrouver des exemplaires physiques dès maintenant à la bibliothèque des Fleurs Arctiques (45 rue du Pré-Saint-Gervais, Paris 19ème).

« On arrive maintenant au dixième numéro de Mauvais Sang. Dix numéros qui s’empilent au fil du temps et sont le germe d’un journal annonçant ses prochaines parutions ; encore très jeune, c’est l’occasion pour nous de réfléchir sur ses perspectives, et de réaffirmer des éléments essentiels à son existence. Mais voilà, on a pas envie d’en faire une pièce de musée. Une collection morte sous le poids de sa propre poussière. Les numéros sont là pour agiter, pour vivifier et diffuser quelques refus de plier face à ce monde lourd d’apathie, de misère et d’indifférence. Ce qui compte, ce sont les conflits et perspectives que ces numéros pourraient faire naître ; l’encre est sèche, mais le sang est toujours noir, et mauvais jusqu’à l’os.

C’est dans cette vivacité que le journal trouve son intérêt car elle signifie penser le présent en rapport avec le passé. Mauvais Sang ne se veut pas comme un pur outil de diffusion d’actualités, prisonnier du présent sans distance critique, sans aspiration à aller au-delà de l’époque actuelle et de ses écueils stériles. Mais à l’inverse puiser dans le passé comme nous le faisons parfois, signifie pour nous partir à la recherche de luttes desquelles s’inspirer tout en rejetant la nostalgie d’un âge d’or dont la perspective révolutionnaire serait aujourd’hui morte et enterrée. C’est toujours la liberté bien vivante qu’on a en ligne de mire quand on choisit sur quoi écrire ; la pratique, la théorie, le passé et le présent ensemble pour un futur imprédictible.

Cette liberté se retrouve aussi dans son style, c’est-à-dire dans l’attention porté tant sur la forme que sur le fond de nos propos. Concernant le fond de la réflexion politique, il existe aujourd’hui une déplorable tendance, un réflexe, une incapacité à s’extraire de l’appareil idéologique de la fac et de la sociologie ou des discours policés de la politique de partis. S’ensuivent des textes arides de tout désir dont la forme est autant indigeste qu’ils tètent leur bout de théorie racorni depuis des décennies, ou des élucubrations qui n’ont de réflexion que des considérations formelles aussi insipides que leur absence de réflexion sur le fond. Mauvais Sang se veut aller au-delà de cette impasse où écrire de la théorie politique signifie tantôt réciter, tantôt barboter dans des courants de pensée inoffensifs pour l’existant. Nous pensons nécessaires de ne pas laisser le fond à des chercheurs, des apparatchiks, des journalistes ou tout autre observateur, et qu’il est indispensable que le fond soit produit par ceux qui confrontent la réflexion avec le réel, par ceux qui luttent.

Pour ces raisons que nous avons évoquées ici, Mauvais Sang continue, et est destiné à être diffusé là où le vent le portera. Nous espérons qu’il inspirera de nombreuses autres initiatives pour porter partout la conflictualité et fissurer l’existant, comme pourquoi pas, par exemple, d’autres journaux avec lesquels faire vivre le débat, sortir de la léthargie qui nous entoure et en finir enfin avec le vieux monde.

Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. »

Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme.

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Mauvais Sang numéro 10 / Édito

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La fin de l’année 2024 a connu plusieurs événements tragiques ou, au contraire, porteurs d’espoirs.

A Mayotte, le cyclone Chido a tout ravagé sur son passage. Des milliers de personnes, malgré un décompte flou et difficile, semblent avoir été emportées par des torrents de boue et de détritus, et de violents vents ont détruit les habitats précaires de l’île, dont le bidonville Kaweni, le plus grand de France, entièrement dévasté. Ces dégâts considérables humains et matériels ne sont pas la cause d’une hasardeuse «  catastrophe naturelle  », mais bien les résultats de la gestion des populations par l’État et le Capital, qu’un aléa naturel aura ici révélé, comme cela a pu aussi être le cas dans la région de Valence fin octobre, touchée par des inondations records, faisant plus de 200 morts, notamment en raison d’une gestion catastrophique de l’alerte face au risque d’inondation.

C’est bien le système capitaliste protégé par l’État et sa gestion qui a conduit des dizaines de milliers de pauvres à s’entasser dans de fragiles cabanes de tôles à Mayotte ou à être privés d’eau courante, d’électricité ou de réseau (cruciaux après le passage du cyclone). C’est bien la xénophobie de l’État français qui a provoqué l’entassement des sans-papiers dans ces bidonvilles. Ces mêmes sans-papiers qui n’ont pas rejoint les vétustes centres d’hébergements d’urgence, de peur que les alertes soient un piège pour les regrouper et les expulser, illustrant ici de manière tragique le harcèlement de l’État envers les migrants illégaux.

L’État, face à la colère des habitants mahorais, a réagi par une aide d’urgence souvent inatteignable pour les habitants les plus reculés, puis par des mesures sécuritaires  : couvre-feu pour empêcher les pillages, loi pour limiter la vente de tôle aux professionnels ou aux personnes ayant un justificatif de domicile, et nouvelles mesures pour lutter contre les clandestins. Le 1er janvier 2025, l’État a organisé le « rapatriement humanitaire  » des clandestins comoriens vers les Comores, en prenant bien soin de relever identité et empreintes.

Face à la détresse et à l’urgence, comme toujours, l’État organise le «  retour à la normale  »  : endiguer les contestations et surtout chasser les indésirables qui sont sommés de faire profil bas et de se cacher… jusqu’au prochain désastre. Mais face aux bilans comptables, face à l’impératif de la continuité économique, face à la violence du pouvoir, ces moments sont aussi des moments d’instabilité où la révolte peut prendre forme  : on a ainsi vu les mahorais fustiger les représentants de l’État lors de leur venue ou les valenciens accueillir le roi et la reine d’Espagne avec des jets de boue ou s’affronter avec la police qui protégeait l’Hôtel de ville.

La fin de l’année 2024 a tout de même amené deux évènements d’ampleur réjouissants : du côté de la Syrie, c’est la chute du régime Assad qui secoue et ouvre autant de prisons que de potentialités nouvelles ; et du côté des Etats-Unis, c’est l’assassinat en pleine rue du patron de UnitedHealthcare, plus grosse entreprise mondiale d’assurance santé privé, qui rappelle aux roitelets qu’ils ne sont peut-être pas si tranquilles qu’ils n’ont l’air de le croire. Le mouvement de soutien international qu’a reçu Luigi Mangione, la personne arrêtée et accusée de cet acte par la justice, peut nous donner de l’espoir. Pour être solidaire de la révolte, rien de mieux que la propager, dès que possible  !

En Syrie comme ailleurs, à bas les prochains chefs, empêchons les de faire perdurer leurs pouvoirs de manière diversifiée et protéiforme. «A bas le prochain président !», c’est un tag syrien qui a circulé en photo sur les réseaux sociaux et qui nous semble plein de sagesse révolutionnaire. Il est évident que la chute d’Assad n’est pas réductible au seul impact de HTS, groupe rebelle islamiste, qui, dans la localité d’Idlib, réprimait les manifestants il y a encore peu, et semble vouloir installer un pouvoir rigoriste sur le territoire. Après plus de 10 ans de guerre civile, il y a fort à parier (et à espérer  !) que les habitants de Syrie ne se laisseront pas dominer par un nouveau dictateur, ni par un énième groupe conservateur au pouvoir.

Du côté du travaillisme, le 1er janvier 2025, c’est en France l’entrée en vigueur de la généralisation de la loi Plein Emploi et du volet concernant le RSA. A compter d’aujourd’hui, tous les RSAstes (et leur conjoints) sont inscrits à France Travail, sommés de justifier 15 heures d’activités hebdomadaires, sous peine de suspension des allocations ou de radiation. Contre ces mesures destinées à nous insérer de force dans le marché de l’emploi, à travailler à notre propre mise au travail, à former et conformer les récalcitrants  : esquivons la réinsertion, et organisons-nous pour lutter collectivement contre la machine à travailler  !

Mauvais Sang espère une nouvelle année agitée, en révoltes, en émeutes, en dépassements des possibles impasses que pourraient nous tendre les récupérateurs de tous bords. Sus à la droite, sus à la gauche, sus au centre  : il est grand temps de sortir de ces pièges qui n’intéressent personne, pour enfin mettre l’économie, la gestion, la morale et le contrôle sens dessus dessous.

Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions.

Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme.

En Iran comme partout, vive la révolution

Après 2022 et, notamment, la mort de Mahsa Amini, une situation insurrectionnelle a embrasé l’Iran et a fait naître, pour beaucoup (là-bas et ailleurs), la perspective d’une révolution sociale (nous revenons sur cela dans l’article « Mort aux dictateurs et à la police des mœurs » écrit dans Mauvais Sang numéro 4). Après plusieurs centaines de personnes tuées, de nombreuses exécutions en lien avec le soulèvement, des viols/tortures destinées à intimider et réprimer, mais aussi, de nombreux commissariats attaqués, des incendies et actes de sabotage, des attaques de prisons, des émeutes… les perspectives insurrectionnelles ont pris du plomb dans l’aile, mais ne sont pas si loin dans les souvenirs.
Le 2 novembre 2024, une vidéo est largement repartagée sur les réseaux sociaux, montrant une étudiante de l’Université islamique de Téhéran, Ahou Daryaei, marchant en sous-vêtement, les bras croisés devant la poitrine, défiant publiquement par ce geste les lois morales et la police des mœurs.
Elle a décidé d’enlever ses vêtements après avoir été harcelé en raison du port non-réglementaire de son hijab par la milice islamiste Basij, une organisation paramilitaire, qui, en plus de garantir la sécurité intérieure et la répression des mouvements sociaux en appliquant notamment la torture, s’occupe de la « prohibition du vice » et de la « promotion de la vertu » au sein du pays.
Rapidement, la jeune femme a été arrêtée et enfermée. Comme il est coutume de qualifier de « mentalement instables » les femmes s’opposant aux mœurs religieuses et patriarcales du régime afin de nier la nature contestataire de leurs actes, elle a été déclarée “malade” et placée en hôpital psychiatrique. Ahou Daryaei aurait depuis été relâchée et serait, maintenant, prise en charge par sa famille. Les autorités ont pourtant annoncé qu’elles ne poursuivraient pas en justice l’étudiante, sûrement en raison de leur crainte que cela provoque d’autres soulèvements à grande échelle, montrant par là que la révolte des iraniens et des iraniennes a laissé des traces considérables, même au sein du pouvoir.
De nombreuses femmes ont brûlé et enlevé leurs voiles publiquement depuis la mort de Mahsa Amini. Nous pouvons voir ces pratiques comme une critique de l’ingérence de plus en plus forte de la religion dans le contrôle social, mais aussi comme une critique de la religion elle-même, qui est, dans une théocratie comme l’Iran, au fondement même de l’Etat et de son fonctionnement.
Contre ces révoltes, le pouvoir iranien continue son offensive contre la liberté des femmes : il a annoncé une nouvelle loi extrêmement stricte à propos du port du voile, qui prévoit de contrôler, via vidéosurveillance si les femmes portent bien leur voile, sublime obscurantisme hi-tech, et a annoncé, un mois après l’acte d’Ahou Daryaei, l’ouverture d’une “clinique de traitement” pour les femmes refusant de porter le voile.
Comme lors de la mort de Mahsa Amini, l’acte de révolte de l’étudiante a été, dès la publication de la vidéo, la cible de diverses récupérations politiques de tout bord. Ce qui pourrait être compris dans un contexte bien matériel de révolte contre un État et une religion qui exploite et opprime, a été réduit ici à un « débat sur le voile ». La droite, et parmi elle, les féministes identitaires (Nemesis, Dora Moutot, Marguerite Stern, pour citer leurs petites stars) en ont profité pour faire leur diatribes anti-immigration, raciste et sécuritaire.
Du côté des féministes de droite et de gauche plus libérales, c’est à une véritable fétichisation du geste de Ahou Daryaei que nous assistons. La femme devient une « icône », une « martyre », ou un « symbole » des valeurs honorables de la République et de la si grande et belle Démocratie. C’est que la récupération ne coûte pas grand chose et rapporte beaucoup : on se solidarise avec ce qui arrange notre agenda politique à peu de frais. Ces discours féministes sont des postures confortables qui ne remettent jamais en question l’existant (étatique et religieux) et ce qu’il comporte d’exploitations, de normes. Ils désignent au contraire bien souvent, avec un paternalisme raciste, une misogynie qui n’existerait que “là-bas”, dans les “pays musulmans” et qui leur sert d’épouvantail pour consolider et justifier leurs idéaux démocratiques.
Ahou Daryaei, l’étudiante en littérature française (« fille des sciences et de la recherche » selon une tribune signée par de nombreux universitaires en novembre 2024 dans Le Point qui exigent sa libération car elle respecterait les valeurs de l’héritage voltairien… : « L’honneur de la France exige que cette étudiante soit protégée par notre pays qu’elle a honoré en choisissant d’étudier sa langue. », « Est-ce un hasard qu’elle soit étudiante doctorante en littérature française ; une littérature reconnue internationalement notamment pour ses auteurs défenseurs de la liberté de conscience ? ») peut ainsi être ajoutée au panthéon des insoumises qui arrangent les défenseurs des valeurs de la République…
La récupération politique est l’inverse de la solidarité ! Abstraire ainsi le geste de Ahou Daryaei c’est le vider de toute sa portée subversive.
De l’autre côté du spectre politique, les influenceurs campistes de gauche dont certains pour qui l’Iran représente un allié objectif dans la guerre contre Israël, ont sauté sur l’occasion pour sortir leur soupe anti-impérialiste réactionnaire. Les prises de position de Youssef Boussoumah, militant du media d’opinion Paroles d’Honneur parlent d’elles-mêmes : « C’est vrai qu’au moment où son pays risque une guerre nucléaire avec l’arrivée possible de Trump pour s’être opposé au génocide de Gaza il était de la plus haute importance d’aller se mettre à demi nu, c’était une belle opportunité de sa part une stratégie gagnante »… Et de défendre l’Iran face à Ahou Daryaei, elle qui aurait, semble-t-il, décidément bien préparé son coup pour plaire aux médias occidentaux « en se dénudant »… ? Magnifique mélange de théories conspi et de misogynie ! La vidéo du même média intitulée « Femmes iraniennes : le baiser empoisonné de l’Occident » distille sensiblement le même discours. Le discours anti-impérialiste, que l’on connaît bien, déploie en filigrane, son chantage habituel. « Bien sûr, on peut critiquer l’Iran… mais… » : mais cette critique serait « au prix des droits des femmes du Sud » selon eux. Oui, car certains États sont plus intouchables que d’autres. Pour les campistes, exprimer sa solidarité avec les femmes révoltées en Iran qui luttent pour leur liberté se ferait au détriment de ces mêmes femmes. Cela participerait à discréditer le régime iranien, ô combien important dans la lutte contre « l’impérialisme occidental ». Pour les bouteldjistes, il faudrait en réalité d’abord critiquer le blocus sur l’Iran avant de pouvoir dire quoi que ce soit sur sa politique intérieure : d’abord critiquer les États-Unis, pour pouvoir critiquer le gouvernement iranien, pour pouvoir critiquer la police des mœurs et enfin pour pouvoir critiquer la religion ? Oups, non, critiquer la religion, ça, jamais.
Gommer les révoltes internes, fermer les yeux devant la réalité concrète du pouvoir religieux subi au quotidien par les habitants de tout un pays, afin de soutenir des états réactionnaires, voilà ce qu’a toujours produit le manichéisme idéologique, d’un côté comme de l’autre. Dans ce cas précis, cette rhétorique se fait au détriment des iraniennes, et de surcroît, de tous les iraniens. Toute perspective internationaliste est enterrée devant la loi du campisme.
Cette attitude qui consiste à monnayer en permanence à qui s’adresse la solidarité, et sous quelles conditions, nous la refusons. Il nous semble nécessaire que les anti-autoritaires aient quelque chose à dire de ce qu’il se passe en Iran, des résurgences, multiples, des soulèvements qui ont eu lieu ces dernières années, et qui risqueraient bien d’enflammer à nouveau le pays. Cela se fera sans l’accord de ceux qui pensent détenir le monopole sur ces sujets, cela se fera, en même temps, en luttant contre tous les Etats du monde.
D’abord, parce que cet acte s’inscrit dans un contexte de lutte sociale très offensive, il n’est pas isolé. Ensuite car il critique, en lui-même, la religion et la morale, enfin, car cette femme, comme d’autres, a subi et peut encore subir la répression et la psychiatrisation, l’enfermement, peut-être même la torture. Cette solidarité dépasse toutes les frontières, et elle se fera sans compromis.
Nous ne pouvons qu’espérer que le geste d’Ahou Daryaei en inspire d’autres, ce qui semble être déjà le cas : début 2025, plusieurs vidéos montrant des actes de contestation face aux lois morales ont été publiées, montrent des étudiantes de Téhéran chassant une femme de la police des mœurs ou une femme dans un aéroport décoiffant un mollah qui l’avait réprimandée. Ces témoignages ne sont sûrement qu’une partie des multiples formes de résistance au rigorisme qui prennent place chaque jour en Iran.
Contre toutes les formes d’enfermement, tous les États et toutes les religions : solidarité avec celles et ceux, qui, au péril de leur vie et de leur liberté, luttent avec les moyens qu’il leur reste.
Mort à la police des mœurs !

Singeons-les !

Le 18 novembre 2024, quelques centaines de singes se sont échappés de leur enclos dans la ville thaïlandaise de Lopburi, connue pour sa grande population simiesque. Ils ont envahi un commissariat et ont contraint les flics de s’y barricader. Ça s’applaudit ! Enfermés dans des cages sordides et spécialement conçues pour neutraliser ces populations « indisciplinées », ces singes font à la fois la fortune touristique de la ville, et son infortune quand il s’agit de contrôle. Déjà durant le Covid, avaient été bordélisés nombre de magasins à cause de la faim, faute de touristes pour apporter de la nourriture aux singes.

Depuis quatre ans, ce sont aussi des orques dont on entend parler à Gibraltar et ailleurs parce qu’elles perpétuent des attaques systématiques sur les yachts qui croisent leur chemin. Après une longue période où leurs agissements ont été considérés comme de la vengeance naturelle, il est apparu courant 2023 une nouvelle hypothèse selon laquelle les orques n’attaquaient en fait nullement les hommes, mais jouaient avec eux lorsqu’elles déglinguaient les navires.

Dans les médias, les singes quant à eux n’ont pas non plus de motif clairement identifié. Ils « sèment le chaos » et « font régner la terreur » sur la ville. Des bêtes furieuses en somme, mues par un instinct destructeur irrationnel que l’on tranquillise à coup d’anesthésiants, de cages, de pièges et de brigades antimacaques.

Que ce soit par jeu, par soif de liberté, par appétit, par vengeance, tout cela c’est de la violence gratuite qui ébranle l’orgueil et la volonté de contrôle sur l’existant, et ça, ça fait plaisir. N’en déplaise à Descartes qui voulait l’homme « maître et possesseur de la nature », la sauvagerie nous met par terre en mode coup-de-tête balayette en moins de temps qu’il le faut pour le dire, et cela n’a rien à voir avec une quelconque intention ou retour de bâton de la Nature, comme si elle existait, comme si l’homme était assez important pour ça.

La vie a déjà survécu à plusieurs extinctions de masse. Les cafards peuvent apparemment résister à une déflagration nucléaire. Il a même été récemment découvert qu’il existe une biosphère profonde : tout un écosystème qui se développe dans le manteau terrestre, avec des organismes plurimillénaires capables de résister à des conditions environnementales impropres à toute forme de vie connue jusqu’alors, se nourrissant de sulfure et pouvant hiberner indéfiniment. Donc la vie fait et fera son chemin avec ou sans nous. S’il y a bien un truc en revanche qui distingue l’homme du reste ce n’est pas sa supériorité ou sa responsabilité, c’est sa capacité à enfermer tout et n’importe quoi. Alors plutôt que de continuer à mettre en cage, tantôt pour protéger, tantôt pour asservir, pourquoi ne pas plutôt se joindre à la fête et semer le chaos ? Que ce soit pour s’amuser, pour manger, ou les deux – parce qu’on peut jouer avec la nourriture, les orques le savent – que ce soit par volition ou par nécessité, il y a toujours un intérêt à être têtu comme un âne, à refuser de monter sur ces grands chevaux policiers, comme d’être écrasé sous leurs fers en permanence ; à refuser l’ordre politique et scientifique par lequel on exploite ou préserve selon les motifs du pouvoir. Dans les deux cas c’est se voiler la face sur les forces archaïques qui meuvent aveuglément l’évolution de l’existant. C’est faire de la raison humaine l’aînée là où elle n’est que la cadette ; c’est postuler une toute-puissance de la rationalité, et ainsi vouloir jouer des gros bras face à la mère Chaos et à son engeance qui demeure toujours en partie incompréhensible. Des singes qui n’acceptent pas de vivre en cage, qui volent les passants, pillent des commerçants, et repoussent des flics sans présenter de motivation explicite et clairement revendiquée, non mais on aura tout vu ! Des orques qui bousillent des bateaux, menacent des êtres humains de noyade, tout ça juste pour s’amuser ! C’est pas sérieux ! C’est inconcevable ! Quand on lutte il faut des motifs un tant soit peu rationnels et intégrables dans un sens général structuré et normé, sinon ce serait l’anarchie…

Justement, il est peut-être temps pour nous de faire de même, d’arrêter de maintenir ou de subir l’ordre, ne pas se contenter de faire le pied de grue comme on fait un piquet de grève et d’accepter de ramener dans l’arène le chaos qui rend l’existence si belle et terrible à la fois, pour ne pas finir domestiqués.

Pour la révolution, le chaos, et l’anarchie.

Quelle heure est-il ?

Une heure de taff, une heure de classe, une heure de colle, une heure de réunion, une heure de métro, une heure de courses, une heure devant son ordi à remplir des papiers de merde, une heure de manif à écouter des slogans vides, une heure d’antidépresseur, une heure de galère, une heure d’angoisse dans son lit, une heure de mélancolie. Une heure d’ennui.

Pour certains, une heure à enfermer, une heure à bastonner, une heure à réprimer, une heure à expulser, une heure à punir, une heure à convertir, une heure à flageller, une heure à normaliser, une heure à vendre et à acheter, une heure à pacifier, une heure à contrôler.
Pour d’autres, une heure de GAV, une heure de taule, une heure de camisole, une heure de cavale, une heure de fuite, une heure de flip’. Une heure insupportable.

Une heure à se balader, à croiser ceux et celles qui dorment par terre sous -5 degrés, ceux qui chapardent ici et là, histoire de pouvoir survivre et manger, ceux sous les ponts pour un mauvais bout d’papier, tous ceux qui rognent l’os que cette société a bien voulu leur laisser. Une heure à croiser la misère de ce monde terne et poussiéreux. Une heure à se demander pourquoi on devrait continuer à le supporter. Une heure à se dire qu’on devrait pas l’accepter. Une heure à se répéter qu’un jour ou l’autre, on enverra tout valdinguer.


Parfois, aussi, une heure à rêver, une heure à discuter, une heure à rigoler, une heure à désirer, une heure à baiser, une heure à s’évader, une heure d’amitié, une heure à aimer.
Une heure qu’on voudrait ne pas voir s’arrêter.

Camarades, nous ne sommes que de passage, notre temps n’est pas éternel. Et il passe trop vite pour le passer à nous lamenter.

Allons-nous nous résigner, devenir vieux, et finir par raconter au coin du feu nos espoirs perdus et ce qui aurait pu être si nous l’avions fait ?

Soyons les explorateurs de nos possibles, soyons des aventuriers, des brigands, des vagabonds sur la grande route qui mène tout droit vers l’inconnu. Soyons les joyeux destructeurs de ce monde et les fiévreux faiseurs d’un autre monde, un monde où il n’y aurait même plus d’heures !

Quelle heure est-il ?
Il est grand temps de se révolter !

Ceci n’est pas un accident

Jeudi 14 novembre, à Nanterre, Yacine, 19 ans, est percuté par un RER sur les rails de la station Nanterre-Université. Grièvement blessé, transporté à l’hôpital, ses jours ne sont plus en danger.

Sur les vidéos circulant après l’événement, des témoins choqués crient sur des équipes de sécurité de la RATP : « On est sur un quais, vous êtes malades ou quoi?! « Ils l’ont poussé ! ». Tous les récits rapportés indiquent que le drame se serait produit lors d’une intervention des agents de sécurité de la RATP, les GPSR, qui cherchaient à interpeller Yacine, qui aurait tenté d’échapper à leur contrôle. La RATP quant à elle indique que « lors d’une intervention d’une équipe de sûreté de la RATP, un individu a été déséquilibré et percuté par un train » et a « exprimé sa vive émotion à la suite d’un accident ». Une enquête interne à la RATP a été ouverte, de même qu’une autre de la police. Nous n’attendons rien du tout de la justice, nous crachons sur « l’émotion » de la RATP et espérons surtout que Yacine se rétablisse du mieux possible.

Tout ceci n’a surtout rien d’un « accident ». Que ce jeune ait été poussé, déséquilibré ou se soit retrouvé sur les rails du RER en tentant d’échapper lui-même au contrôle, cet événement est une (terrible) conséquence du harcèlement quotidien des GRPS de la RATP, de la Sûreté Ferroviaire de la SNCF, des flics de la BRF, et de toutes les équipes de contrôleurs, sur les fraudeurs, les sans-abris, les sans-papiers, les musiciens de passage, les dérangés, les tagueurs, et les vagabonds qui passent quotidiennement dans ce réseau pour se faire trimballer de leur domicile aux différents endroits où ils tentent de gagner leur croûte. Chaque jour, des milliers de personnes essayent d’échapper à leurs contrôles harassants et chaque jour, une partie de ceux-là se font attraper et doivent payer à ces clébards. En cas de mauvais payeur, de fraudeur récalcitrant, ceux-là n’hésitent pas à en profiter pour appeler leurs fidèles molosses de la Sureté pour le tabasser dans les couloirs, à base de plaquage ventraux, de clés de bras à 10 sur 1, avec matraques et gazeuses. Ces contrôles musclés mènent parfois à la mort. En 2021, 6 contrôleurs avaient asphyxié à mort Saïd M’Hadi dans le métro marseillais en le plaquant au sol.

Le racket ou le passage à tabac donc. Quoi de plus logique que de tenter donc de se rebeller et d’échapper à leurs contrôles, comme l’a fait Yacine et comme le font des milliers de gens chaque jour dans les transports ?

Il n’y a rien non plus d’étonnant à ce que de plus en plus d’usagers fraudent, vu la pression toujours plus haute mise sur les portes-monnaies par la RATP . Après avoir mis les billets à 4 balles cet été, elle a a annoncé une nouvelle hausse des pass Navigo en janvier 2025 (le mensuel coûtera presque 90 balles le mois). Faire payer toujours plus, pour transporter les gens du dortoir au taff, à France Travail, à la CAF, et se faire un max de fric sur notre aliénation. La RATP, sait son manque à gagner avec la fraude, près de 170 millions d’euros par an, et elle ne veut pas s’y résoudre. Elle a décidé depuis bien longtemps de durcir le ton en tentant d’empêcher les combines et la solidarité : les déclarations de fausse adresse/identité sont punies de peines d’emprisonnement et de fortes amendes, ainsi que les mutuelles de fraudeurs et les posts signalant la présence des contrôleurs, les lâches missions sous tenue civile sont autorisées.

Outre la chasse aux fraudeurs, ces entreprises collaborent tous les jours avec les flics, par leurs agents et leurs milliers de caméras, pour quantité de choses : pour suivre des camarades après les actions, pour affréter des transports pour le déplacement de sans-papiers, pour aider les keufs en cas d’actions dans le métros, pour réguler l’arrivée dans les manifs etc. Elles sont un des premiers chaînons dans le processus qui mène les sans-papiers aux CRAs, un contrôle au faciès pour billet manquant s’enchaînant très vite avec un contrôle d’identité et un petit appel complice à la police. Toujours plus de raisons pour s’en prendre à ces boîtes, qui ne nous laissent que le choix de se faire ponctionner soit par les automates, soit par les contrôleurs.

A Rennes, le 28 novembre, un contrôleur de bus de la STAR s’est fait composté par un individu refusant de lui présenter son titre de transport, qui lui a pété le nez ! Pas volé ! Les contrôleurs de la STAR ont exercé leur droit de retrait le lendemain : s’ils pouvaient le déclarer tous les jours, ça nous irait bien. Mais il ne tient qu’à nous de créer les conditions propices à la dégradation de leurs « conditions de travail », au point où ils ne voudront plus pointer le bout de leur nez cassé dehors.

En 2007, à Gare du Nord, un fraudeur réagit violemment à un contrôle. Quelques minutes après, plus de 300 personnes éclatent les distributeurs et les vitrines, se servent dans les magasins de la galerie marchande, allument des feux et s’affrontent avec les keufs jusque tard dans la soirée en leur balançant poubelles et énormes pots de fleurs jonchant les couloirs de la gare, bloquant le trafic pendant plusieurs heures par la même occasion.
Organisons-nous pour faire échouer leurs contrôles et prenons à parti ces chiens de garde du Capital et de l’État pour pourquoi pas, créer une émeute et enfin faire vivre par le geste le désir de vengeance que nous ressentons dans nos tripes quand nous apercevons, au bout du couloir, une nouvelle ligne d’uniformes prête à procéder à un énième racket.

Solidarité avec Yacine ! Ils veulent faire la guerre aux pauvres : ils l’auront !

Mauvais Sang numéro 9 / Édito : Y en a marre de subir !

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Et la rentrée fut.
Après un été où le cirque parlementaire et électoral a battu son plein, entre la gauche qui hurle piteusement au « déni de démocratie », le parti en place perdu dans son jeu de dissolution et d’alliances et l’extrême-droite qui parvient de plus en plus à imposer ses thèmes dans l’agenda politique de l’État (comme on a pu le voir avec la formation du dernier gouvernement et son orientation, qui va pousser toujours plus vers la réaction, la xénophobie et l’autoritarisme), le train-train quotidien a pu se remettre en marche. Ici et là, tout le monde est reparti au boulot, à l’école ou à France Travail, en rang d’oignons, dans l’objectif de subir un peu moins son quotidien dans ce triste monde de travail, de thunes, d’autorité et de prisons en tout genre. La police et l’État eux, continuent de faire leur sale boulot, tous les jours, banalement, comme en témoigne par exemple l’assassinat par balles par les keufs d’un SDF début octobre à Belleville.
Ailleurs, c’est la guerre qui fait rage  au Moyen-Orient, au Soudan, en Ukraine, en République Démocratique du Congo… Les États ou les groupes paramilitaires se font la guerre, envoyant tout le monde au devant de l’horreur pour défendre des nations, des richesses, des religions ou des « peuples » fantasmés.
Mais y en a marre de subir. Nous sommes plein, partout, à avoir des rêves plein la tête et l’envie de balayer ce monde, pour plonger, enfin, dans l’inconnu
En Kanaky, les émeutiers continuent de se battre après s’être fait lourdement réprimer par la gestion coloniale de l’État français. En Martinique et en Guadeloupe aussi, on érige des barricades, on calcine des véhicules, on attaque des comicos, on incendie des gendarmeries et des centres de formation et on pille des magasins, contre l’insupportable pression des prix et du capitalisme. Comme en Kanaky et à Mayotte, l’État a envoyé les CRS et proclame couvre-feu et interdiction de manifester, mais les barricades et les incendies continuent malgré la répression. A Paris, le 5 octobre, l’AG Antifa Paname avait appelé à un rassemblement public pour pourrir la dédicace des transphobes Stern et Moutot faite en collaboration avec les fafs comme Obertone ou Marsault. Malgré l’interpellation d’une soixantaine de personnes par la BRAV-M, bien décidé à décourager ce genre d’initiatives rejoignables hors des cadres syndicaux et partidaires, des pratiques de solidarité face à la répression ont été tenus et la grande majorité sont sortis sans poursuites et sans donner leurs empreintes (on pourra retrouver les communiqués de l’AG sur les réseaux pour les détails). Malgré cela, un camarade a été envoyé en Détention Provisoire à l’issue du renvoi de sa comparution immédiate, après un énième chantage aux empreintes. Le camarade est sorti depuis. Les 2 camarades poursuivis auront des procès les 26 et 27 novembre au TJ de Paris, soyons présents en soutien ! A Vertou (Loire-Atlantique), le 26 octobre, c’est environ 200 personnes qui se sont montrés présents pour perturber un meeting de Sébastien Chenu, numéro 2 du RN, à la suite d’un appel de l’AG Antifa Nantes, rejoint par l’AG Antifa de Rennes. La salle accueillant le meeting avait été vandalisé dans la nuit. 10 personnes ont été interpellés et deux auront un procès le 3 janvier 2025.
Solidarité à tous ceux qui s’activent dans la rue contre les fafs et les transphobes !
Au Bangladesh, mi-juillet le mouvement de réforme des quotas à tourné à l’émeute puis à l’insurrection, attaquant les flics, mettant le feu aux prisons et libérant les détenus. Malgré la réponse brutale du gouvernement qui autorisa les forces de l’ordre à tirer à vue et malgré des centaines de morts chez les manifestants, c’est le pouvoir et notamment la première ministre Sheikh Hasina qui dût fuir en hélico et laisser ses possessions à la merci des émeutiers, trop contents de pouvoir sauter dans la piscine de l’ancienne despote, depuis 21 ans au pouvoir.
Comme souvent pourtant, les réformistes ont récupéré la révolte, et c’est l’économiste Muhammad Yunus, chantre du micro-crédit et « banquier des pauvres » , qui a été porté à la tête du gouvernement intérimaire, par l’ancien gouvernement, les militaires et des collectifs d’étudiants.
Comme toujours et partout, la gauche fait partie de ceux qui enterrent les espoirs de révolte.
Si nous voulons entrevoir un horizon révolutionnaire et émancipateur dans nos luttes, alors nous devrons passer par se débarrasser de la gauche. Car c’est elle, avec ses partis, ses syndicats et ses assos citoyennes en tout genre, qui cherche en permanence à pacifier, à contenir, et à empêcher tout dépassement des luttes. Un dépassement qui permettrait de s’attaquer à tout ce que cette gauche rêve de gérer elle-même demain, et d’enfin abattre l’État et le Capital.
Après Mitterrand et Hollande (ou même Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne), la création des CRAs par la gauche, le RMI, les QHS, le populisme exacerbé de Mélenchon…nous pourrions espérer que plus personne ne tomberait dans la supercherie gauchiste. Les larges appels au vote de barrage en juin, notamment depuis des aires à prétention subversive, et les appels présent à « pousser » derrière le NFP pour l’installer au pouvoir, montre que nous en sommes loin.
Alors, fuyons la médiation, fuyons la représentation, fuyons la composition. N’écoutons pas les fausses promesses politicardes, et n’attendons pas le moment où on entendra décrier une énième « trahison » qui n’en est pas une. Portons la conflictualité dans les luttes contre ceux qui cherchent à nous résigner, à nous faire accepter quelques arrangements de misère ici et là, à freiner nos élans de révolte et de liberté, pour enfin en finir avec le vieux monde et tous ses gestionnaires avec.

Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions.
Des enfants bâtards
de l’anarchisme et du communisme.

Sabotages

En juillet et en août, Paris fut transformée en vaste champ d’expérimentation sécuritaire et de tentative de renforcement du sentiment nationaliste. Les Jeux Olympiques se sont immiscés dans les rues et dans nos quotidiens.
La mairie a nettoyé les rues des indésirables comme elle a nettoyé la Seine (les sans pap’ du canal d’Aubervilliers remplacés par des cubes de béton), les sans abris/sans-papiers ont été déplacés dans d’autres villes de France. Tout est propre, la ville est assainie, même les pistes cyclables ont été repeintes  1750 flics issus de 44 pays différents venant s’ajouter aux 45.000 policiers et gendarmes français, des drapeaux français à tous les coins, des discours nationalistes, inclusifs ou pas, dans toutes les bouches… De quoi avoir la nausée.
Fort heureusement, quelques trouble-fêtes se sont invités à la parade.
Dans la nuit du 25 au 26 juillet, soit la veille de la cérémonie d’ouverture des JO, une action coordonnée de sabotages de lignes TGV, sur les 4 principaux axes menant à la capitale a eu lieu. En tout, plus de 200 TGVs ont été supprimés, les autres trains ont eu énormément de retard et le sabotage a finalement coûté plusieurs millions de dégâts pour la SNCF, gâchant ainsi le jour-phare du début de la compétition. Environ 800 000 voyageurs ont été touchés par ces attaques, dont des athlètes qui sont arrivés en retard à la cérémonie… !
L’action fut revendiquée et signée « Une délégation inattendue », quelques jours plus tard, par un communiqué transmis via de nombreux journaux papier et télévisés  « À ceux qui reprochent à ces actes de gâcher le séjour de touristes ou de perturber les départs en vacances, nous répondons que c’est si peu encore. Si peu comparé à cet événement auquel nous souhaitons participer et que nous appelons de tout cœur  la chute d’un monde qui repose sur l’exploitation et la domination. Là oui, nous aurons quelque chose à fêter. ». Bien sûr, les syndicats de cheminots se sont directement dissociés de ces attaques, décrite comme un « coup terrible porté aux services publics » et précisant que l’attaque ne pouvait pas venir de leurs rangs, leurs syndiqués respectant bien trop leur précieux outil de travail  Après avoir tenté de galvaniser les foules pendant le mouvement contre la réforme des retraites avec de fausses promesses ridicules « Pas de retrait = pas de JO », et des menaces en l’air de grève générale, les syndicats et la gauche ont montré une fois de plus, par cette dissociation et leur inaction, qu’ils sont les bons laquais de l’État.
Joli coup porté de la part des auteurs de ces attaques au sentiment d’union nationale et de liesse populaire autour des JO dont l’État voulait nous persuader. Le fait que ces actions aient abouti et que les auteurs n’aient pas été retrouvés aujourd’hui, l’enquête patinant sur place, montre également que le maintien de l’ordre tout-puissant que l’État voudrait nous faire croire n’existe pas.
Cette action de sabotage n’est pas restée isolée, d’autres ont suivi. Une antenne relais incendiée à Toulouse dans la même nuit, des réseaux de fibres optiques dégradés dans plusieurs départements quelques jours plus tard… début septembre, c’est la SNCF à côté de Reims qui fut de nouveau touchée, avec le sectionnement de câbles mettant à l’arrêt une centaine de trains. Ces derniers jours, nous pouvons saluer le vol de câbles qui a fortement perturbé le trafic ferroviaire dans les Hauts-de-France.
Nous ne pouvons que nous solidariser de cette action qui s’inscrit dans une lutte contre l’État-nation, ses frontières et son nationalisme  Sabotons l’État et ses institutions

Au nom du Père

Bien évidemment, avec Mauvais Sang, nous rejoignons avec joie la profanation de l’ex personnalité préférée des français, et nous crachons d’un bel élan à la face de ce cadavre nauséabond  Abbé Pierre, pourris dans ton cercueil sans enfer ni paradis, tu aurais mieux fait de rejoindre le néant des vers depuis longtemps  Crève et recrève, violeur retors en soutane  Mange tes morts, tes saints et tes chasubles  Intoxique toi à l’eau bénie croupie … Ce n’est pas que nous ayons cru un jour en la pureté de ce religieux, fervent défenseur des thèses négationnistes et antisémites de Roger Garaudy en plus d’être le pervers invétéré que le grand public découvre depuis plusieurs mois (mais que l’Eglise et la Communauté Emmaüs savaient et taisaient de longue date…), mais, tout de même, nous jugeons le moment propice à rappeler quelques vérités quant aux dynamiques perverses et toxiques qui doivent de toute urgence et depuis longtemps être jetées avec l’eau du bain béni de l’Abbé Pierre  sans les institutions de la religion et de l’humanitaire, les effets d’emprise qui ont rendu possible pendant des décennies la réitération des agressions sexuelles, dans le plus grand tabou, n’auraient pas pu perdurer à ce point. La religion offre le terreau à l’abus de faiblesse. L’Eglise catholique en abuse autant que n’importe quelle secte, érigeant un attrait mystificateur et aliénant vis-à-vis de figures intouchables qui elles par contre peuvent toucher et attoucher leurs adeptes sans problème… Dans une lettre écrite à une femme qui lui demande de s’excuser de lui avoir attrapé les seins et fourré la langue dans la bouche, il en appelle évidemment à l’abracadabra chrétien  « pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous pardonnons à quiconque nous offense »… la suite de la prière laveuse de cerveaux ne demande-t-elle pas « ne nous induis pas en tentation »  Car, au fond, n’est-ce pas cet immense retournement propice au viol qui circule dans l’idée de la tentation  A savoir que l’origine du pêché se trouverait dans le serpent, dans la femme Eve, soit dans ce qui séduit et tente le pauvre pêcheur  Ah, que ça doit être dur d’être curé, prêtre ou abbé, quand des hordes de femmes et d’enfants vous tentent tous les jours… L’Abbé Pierre, et plus largement les milliers de religieux pédophiles et violeurs protégés par le Vatican, n’auraient-ils pas toujours été les pauvres victimes de Satan érotisant des corps vulnérables  La Bible n’est qu’un ramassis d’enseignement à pervers, d’ailleurs Dieu Tout-Puissant lui-même, s’il existait, serait le plus grand pervers de tous les pervers, usant et abusant de perpétuelles relations d’emprise qu’il normalise jusqu’à la fin des temps. Merde alors  Et la charité, et l’humanitaire, dans tout ça  Une dose de plus de logiques de pouvoir, comme s’il n’y en avait déjà pas assez dans le monde  La communauté Emmaüs, comme toute organisation de charité, valide et entretient des liens de dépendance envers la personne qui donne le sou, l’habit, la soupe, et qui peut dès lors cesser de les donner si le pauvre ne se tasse pas dans sa position d’infériorité… L’Abbé Pierre a ainsi exigé à plusieurs reprises d’une femme SDF qu’elle réponde à son aide par des contreparties sexuelles. Être une grande figure de la charité permet d’être à la fois le mac, et le client, et le père, et le fils, et le saint esprit, tandis qu’avec cynisme une lettre de la communauté Emmaüs finissait par lui intimer de correspondre à la « figure de sainteté » qu’il incarnait aux yeux du grand public et le mettait sous protection-chaperonnage pour surveiller ses agressions à répétition. Quand bien même l’Abbé Pierre est mort, et tant mieux, Emmaüs, qui aujourd’hui tente de faire oublier la filiation en lavant son image, reste une vaste machine à exploiter les pauvres. La charité entretient structurellement les relations de pouvoir dans un monde qui repose sur l’exploitation, tout en faisant miroiter l’image d’oeuvre de bienfaisance qui fait d’autant plus de ravages qu’elle empêche la critique. Il y a à peine un an, beaucoup de compagnons Emmaüs, sans-papiers, se sont mis en grève pendant plus d’un an, pour dénoncer leurs conditions de travail, leur ridicule argent de poche conditionné (appelé « allocation communautaire ») et la permanence de harcèlements de la part de leurs hiérarchies, rompant ainsi avec force et révolte avec l’image d’Epinal des logiques humanitaires. Leur lutte a en partie abouti à la régularisation de nombreux compagnons, et en juin 2024 le tribunal judiciaire de Lille a reconnu coupables les responsables des communautés Emmaüs et le président des associations de travail dissimulé et de harcèlement moral aggravé.
Retrouvons nous aussi la tentation du mal, du refus des emprises religieuses et « bienfaisantes », agitons une belle et grande haine millénaire des petits et des gros prêcheurs de morale, à bas le Vatican et toutes les religions, à bas les honnêtes oeuvres caritatives et toutes les structures qui entretiennent la dépendance entre les humains  Vive la révolution, sans Dieu ni Maître.

Une nuit au musée

Dans la nuit du 11 au 12 avril 1990, un groupe d’anonymes, cachés par la pénombre, escaladent le mur sud-ouest de l’enceinte qui accueille le Musée d’archéologie de l’ancienne Corinthe. Dans le nord-est du Péloponnèse, situé en contrebas des ruines d’Acrocorinthe, le musée grec, sous la tutelle du Ministère de la Culture accueille des objets fascinants : des kouros de plusieurs mètres de hauts, parmi les premières céramiques à être peintes à figures noires et à fond rouge, parmi les premières colonnes de temple d’ordre corinthien, aux feuilles en marbre finement sculptées, bref, on retrouve dans ce musée des objets sans doute très intéressants et qui ont une histoire qu’ils ne nous raconteront jamais totalement. Ils ne parlent pas, et malgré les rayons X, les scans en tout genre, ils restent muets. Le vigile lui, n’était pas prêt à rester muet et devait sans doute faire trop de bruit aux goûts des visiteurs de la nocturne exceptionnelle, puisqu’ils ont décidés de lui casser la gueule pour pouvoir repartir avec plus de 285 des plus précieux objets des collections (têtes en marbres, bijoux, poterie, vaisselle, figurines votives, etc).
Ils se sont sans doute retrouvés bien embêtés lorsqu’ils se sont rendus compte qu’il serait compliqué de revendre des objets archivés dans tous les sens et signalés comme volés dans tous les registres internationaux, et que peu d’antiquaires seraient ravis d’avoir cette came à refourguer.
À moins que l’équipe de cambrioleurs ne l’aient fait pour la beauté de ces œuvres, pour contempler d’un peu plus près ces statues sans que les cris d’un vigile ou les hurlements d’une alarme ne gâche le moment.
Mais, chers visiteurs, soyez rassurés ! La police veille et les visiteurs seront ravis d’apprendre par un beau panneau dans le musée que la morale de l’histoire, c’est que les méchants se sont fait arrêtés. Ouf. Ce monde est tellement bien et il y a des gens tellement méchants qui veulent s’en prendre au Savoir, à la Culture, aux Musées. Non seulement ils sont cupides, car ils spéculent sur de l’art, mais en plus ils vous privent, VOUS, d’y avoir accès.
Le comble, ils se seraient même servis dans la trésorerie du musée, plus de 1 000 000 de drachmas, soit environ 3 000 euros, l’argent qui était prévu pour le salaire du personnel. Le texte voudrait faire croire aux visiteurs que si les personnels de musées sont si mal payés, qu’ils se cassent le dos à ramasser les mouchoirs des vieux touristes pétés de thunes c’est parce que ces types seraient partis avec.
Certes, les intentions de ces cambrioleurs n’étaient sans doute pas poussées par une rage révolutionnaire de vouloir bousculer ou renverser la vieille institution. Pas plus qu’un autre braqueur, qui a remporté un million d’euros en cash, et qui n’espère pas que ce papier ne vaudra plus rien après son coup. Le cambrioleur espère toujours que sa marchandise pourra se revendre. Et c’est souvent à ce moment-là qu’il se fait attraper, comme ce fut le cas pour ceux-là, recherchés par le FBI et arrêtés dans les années qui suivent. Soit, dans les milieux des pilleurs de tombes et des revendeurs d’antiquités, les intentions ne sont peut-être pas similaires aux nôtres. Mais il y a quelque chose d’insupportable à voir le musée se mettre en scène comme victime du vol des œuvres. Leurs prix d’entrées exorbitants, leurs guides ennuyeux, leurs cars remplis de riches touristes, c’est ça leur « savoir pour tous ». La fiction libérale qui fait croire que c’est pour tous quand c’est derrière un portique payant. Sans compter que ce milieu aussi est centré autour de la thune, que des milliardaires qui achètent des œuvres à des prix exorbitants pour les privatiser dans leurs salons ou dans leurs yachts, ça arrive tous les jours, et là personne ne s’en offusque. Bravo  Belle affaire, ça fera bien dans le salon
Que des types aient décidé de les prendre sans les demander et sans y laisser de la thune, au contraire, mais en y risquant la prison et la mort, il y a là une révolte qui mérite plus de solidarité que ceux qui prennent le camp de la police et de l’État.
L’archéologie, sans doute plus que les autres sciences, est bâtie en grande partie par les projections et spéculations des historiens, qui sont rarement capables de penser contre eux-mêmes et contre les idéologies avec lesquelles ils sont aux prises. L’exemple de l’archéologie nazie est souvent pris : la science a été mise au service du pouvoir hitlérien pour justifier sa vision raciale du monde et légitimer les conquêtes. Des motifs ressemblant à des croix gammées trouvées en creusant les sols des pays conquis ont fabriqué la preuve nazie que le sol n’était pas une prise mais une reprise, puisqu’éternellement aryen. Cette logique qui paraît ridicule est souvent pointée du doigt comme si les archéologues d’avant et d’après ne faisaient pas la même chose. L’archéologie a servi à quasiment chaque État-Nation, particulièrement en Europe, à construire son mythe, son roman national, son narratif d’un pays éternel, habité par le même peuple victorieux et moderne, bref, nos ancêtres les Gaulois. Servant encore une fois les logiques du pouvoir, ses frontières, son autorité. Dans les conquêtes, les nazis ne sont pas les exceptions, et depuis les guerres de Napoléon en Égypte en 1798 à la colonisation de l’Afrique dans les années 1880, il y a toujours un archéologue dans les corps d’armées. Faire comme si le territoire conquis n’avait pas d’histoire, ou se l’approprier, ou l’esthétiser, ou la fantasmer, cela fait partie de la conquête.
Et bien sûr que la création des musées et le financement des chantiers de fouilles partout en Grèce à partir du XIXème siècle n’a pas rien à voir avec sa récente indépendance prise vis-à-vis de l’Empire Ottoman et du besoin de se trouver un passé qui construise une identité nationale, contre l’autre, le barbare de l’autre côté de la mer qui n’aurait rien à voir. Au mépris de l’histoire, on construit alors une nation grecque, qui aurait eu alors à peu près toujours les mêmes ennemis. Les Mycéniens contre les Hittites ou les Troyens, les Grecs antiques contre les Perses, l’Empire Byzantin contre l’Empire ottoman, la nation grecque contre la nation turque comme si les mêmes conflits se répétaient éternellement, comme s’il s’agissait des mêmes oppositions, comme si c’était dans les gènes. Bien sûr, la réalité est toujours plus complexe, faite d’échanges, d’immigration, d’influences mutuelles, de guerres et d’alliances selon les époques mais pour un Père de la patrie du XIXème ou XXème siècle, ce qui compte, c’est de préparer sa population au sacrifice pour la défense de l’idée nationale, et l’histoire, couplée au développement de l’instruction obligatoire, est un très bon moyen de diffuser cette vision du monde.
C’est donc dans cette histoire que s’inscrivent les types qui ont écrit ce panneau pour apitoyer le visiteur. Ils sont bien plus choqués par ce cambriolage que par une institution dans laquelle ils se complaisent (et qu’ils défendent contre ceux qui l’attaquent) et qui a participé aux entreprises nationalistes ayant mené à des millions de morts dans des guerres qui ne concernent que ceux qui les décident.
Retrouvé à Miami par le FBI, suite à la vente aux enchères chez Christie’s de certaines œuvres, un des cambrioleurs est arrêté et incarcéré. Appelés le « gang Karahalios », un père, ses deux fils et une autre personne sont accusés de l’affaire. Seul un des fils, Anastasios Karahalios, a été jugé et condamné le 29 janvier 2001 à la prison à vie, c’est-à-dire à une lente et terrible mort. Les autres auraient été contraints de se cacher quelque part en Amérique du Sud, condamnés par contumace. Une dizaine d’œuvres n’ont toujours pas été retrouvée.
Que crève la taule, qui enferme tous ceux qui refusent de s’inscrire dans la bonne marche de ce monde et qui réprime tout ce qui sort de la norme, la révolte comme la débrouille et la truande.
Que crève l’institution du musée, qui cloisonne et éloigne, qui privatise, qui sacralise et qui désacralise, qui légitime les horreurs guerrières et qui mets les ruines sous des vitrines de formol.
Un jour sans doute, nous nous promènerons dans les ruines de Fresnes ou de la Santé, en nous souvenant quelles forces incroyables nous avons su déployer pour faire tomber ces murs.