Mauvais Sang numéro 9 / Édito : Y en a marre de subir !

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Et la rentrée fut.
Après un été où le cirque parlementaire et électoral a battu son plein, entre la gauche qui hurle piteusement au « déni de démocratie », le parti en place perdu dans son jeu de dissolution et d’alliances et l’extrême-droite qui parvient de plus en plus à imposer ses thèmes dans l’agenda politique de l’État (comme on a pu le voir avec la formation du dernier gouvernement et son orientation, qui va pousser toujours plus vers la réaction, la xénophobie et l’autoritarisme), le train-train quotidien a pu se remettre en marche. Ici et là, tout le monde est reparti au boulot, à l’école ou à France Travail, en rang d’oignons, dans l’objectif de subir un peu moins son quotidien dans ce triste monde de travail, de thunes, d’autorité et de prisons en tout genre. La police et l’État eux, continuent de faire leur sale boulot, tous les jours, banalement, comme en témoigne par exemple l’assassinat par balles par les keufs d’un SDF début octobre à Belleville.
Ailleurs, c’est la guerre qui fait rage  au Moyen-Orient, au Soudan, en Ukraine, en République Démocratique du Congo… Les États ou les groupes paramilitaires se font la guerre, envoyant tout le monde au devant de l’horreur pour défendre des nations, des richesses, des religions ou des « peuples » fantasmés.
Mais y en a marre de subir. Nous sommes plein, partout, à avoir des rêves plein la tête et l’envie de balayer ce monde, pour plonger, enfin, dans l’inconnu
En Kanaky, les émeutiers continuent de se battre après s’être fait lourdement réprimer par la gestion coloniale de l’État français. En Martinique et en Guadeloupe aussi, on érige des barricades, on calcine des véhicules, on attaque des comicos, on incendie des gendarmeries et des centres de formation et on pille des magasins, contre l’insupportable pression des prix et du capitalisme. Comme en Kanaky et à Mayotte, l’État a envoyé les CRS et proclame couvre-feu et interdiction de manifester, mais les barricades et les incendies continuent malgré la répression. A Paris, le 5 octobre, l’AG Antifa Paname avait appelé à un rassemblement public pour pourrir la dédicace des transphobes Stern et Moutot faite en collaboration avec les fafs comme Obertone ou Marsault. Malgré l’interpellation d’une soixantaine de personnes par la BRAV-M, bien décidé à décourager ce genre d’initiatives rejoignables hors des cadres syndicaux et partidaires, des pratiques de solidarité face à la répression ont été tenus et la grande majorité sont sortis sans poursuites et sans donner leurs empreintes (on pourra retrouver les communiqués de l’AG sur les réseaux pour les détails). Malgré cela, un camarade a été envoyé en Détention Provisoire à l’issue du renvoi de sa comparution immédiate, après un énième chantage aux empreintes. Le camarade est sorti depuis. Les 2 camarades poursuivis auront des procès les 26 et 27 novembre au TJ de Paris, soyons présents en soutien ! A Vertou (Loire-Atlantique), le 26 octobre, c’est environ 200 personnes qui se sont montrés présents pour perturber un meeting de Sébastien Chenu, numéro 2 du RN, à la suite d’un appel de l’AG Antifa Nantes, rejoint par l’AG Antifa de Rennes. La salle accueillant le meeting avait été vandalisé dans la nuit. 10 personnes ont été interpellés et deux auront un procès le 3 janvier 2025.
Solidarité à tous ceux qui s’activent dans la rue contre les fafs et les transphobes !
Au Bangladesh, mi-juillet le mouvement de réforme des quotas à tourné à l’émeute puis à l’insurrection, attaquant les flics, mettant le feu aux prisons et libérant les détenus. Malgré la réponse brutale du gouvernement qui autorisa les forces de l’ordre à tirer à vue et malgré des centaines de morts chez les manifestants, c’est le pouvoir et notamment la première ministre Sheikh Hasina qui dût fuir en hélico et laisser ses possessions à la merci des émeutiers, trop contents de pouvoir sauter dans la piscine de l’ancienne despote, depuis 21 ans au pouvoir.
Comme souvent pourtant, les réformistes ont récupéré la révolte, et c’est l’économiste Muhammad Yunus, chantre du micro-crédit et « banquier des pauvres » , qui a été porté à la tête du gouvernement intérimaire, par l’ancien gouvernement, les militaires et des collectifs d’étudiants.
Comme toujours et partout, la gauche fait partie de ceux qui enterrent les espoirs de révolte.
Si nous voulons entrevoir un horizon révolutionnaire et émancipateur dans nos luttes, alors nous devrons passer par se débarrasser de la gauche. Car c’est elle, avec ses partis, ses syndicats et ses assos citoyennes en tout genre, qui cherche en permanence à pacifier, à contenir, et à empêcher tout dépassement des luttes. Un dépassement qui permettrait de s’attaquer à tout ce que cette gauche rêve de gérer elle-même demain, et d’enfin abattre l’État et le Capital.
Après Mitterrand et Hollande (ou même Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne), la création des CRAs par la gauche, le RMI, les QHS, le populisme exacerbé de Mélenchon…nous pourrions espérer que plus personne ne tomberait dans la supercherie gauchiste. Les larges appels au vote de barrage en juin, notamment depuis des aires à prétention subversive, et les appels présent à « pousser » derrière le NFP pour l’installer au pouvoir, montre que nous en sommes loin.
Alors, fuyons la médiation, fuyons la représentation, fuyons la composition. N’écoutons pas les fausses promesses politicardes, et n’attendons pas le moment où on entendra décrier une énième « trahison » qui n’en est pas une. Portons la conflictualité dans les luttes contre ceux qui cherchent à nous résigner, à nous faire accepter quelques arrangements de misère ici et là, à freiner nos élans de révolte et de liberté, pour enfin en finir avec le vieux monde et tous ses gestionnaires avec.

Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions.
Des enfants bâtards
de l’anarchisme et du communisme.

Sabotages

En juillet et en août, Paris fut transformée en vaste champ d’expérimentation sécuritaire et de tentative de renforcement du sentiment nationaliste. Les Jeux Olympiques se sont immiscés dans les rues et dans nos quotidiens.
La mairie a nettoyé les rues des indésirables comme elle a nettoyé la Seine (les sans pap’ du canal d’Aubervilliers remplacés par des cubes de béton), les sans abris/sans-papiers ont été déplacés dans d’autres villes de France. Tout est propre, la ville est assainie, même les pistes cyclables ont été repeintes  1750 flics issus de 44 pays différents venant s’ajouter aux 45.000 policiers et gendarmes français, des drapeaux français à tous les coins, des discours nationalistes, inclusifs ou pas, dans toutes les bouches… De quoi avoir la nausée.
Fort heureusement, quelques trouble-fêtes se sont invités à la parade.
Dans la nuit du 25 au 26 juillet, soit la veille de la cérémonie d’ouverture des JO, une action coordonnée de sabotages de lignes TGV, sur les 4 principaux axes menant à la capitale a eu lieu. En tout, plus de 200 TGVs ont été supprimés, les autres trains ont eu énormément de retard et le sabotage a finalement coûté plusieurs millions de dégâts pour la SNCF, gâchant ainsi le jour-phare du début de la compétition. Environ 800 000 voyageurs ont été touchés par ces attaques, dont des athlètes qui sont arrivés en retard à la cérémonie… !
L’action fut revendiquée et signée « Une délégation inattendue », quelques jours plus tard, par un communiqué transmis via de nombreux journaux papier et télévisés  « À ceux qui reprochent à ces actes de gâcher le séjour de touristes ou de perturber les départs en vacances, nous répondons que c’est si peu encore. Si peu comparé à cet événement auquel nous souhaitons participer et que nous appelons de tout cœur  la chute d’un monde qui repose sur l’exploitation et la domination. Là oui, nous aurons quelque chose à fêter. ». Bien sûr, les syndicats de cheminots se sont directement dissociés de ces attaques, décrite comme un « coup terrible porté aux services publics » et précisant que l’attaque ne pouvait pas venir de leurs rangs, leurs syndiqués respectant bien trop leur précieux outil de travail  Après avoir tenté de galvaniser les foules pendant le mouvement contre la réforme des retraites avec de fausses promesses ridicules « Pas de retrait = pas de JO », et des menaces en l’air de grève générale, les syndicats et la gauche ont montré une fois de plus, par cette dissociation et leur inaction, qu’ils sont les bons laquais de l’État.
Joli coup porté de la part des auteurs de ces attaques au sentiment d’union nationale et de liesse populaire autour des JO dont l’État voulait nous persuader. Le fait que ces actions aient abouti et que les auteurs n’aient pas été retrouvés aujourd’hui, l’enquête patinant sur place, montre également que le maintien de l’ordre tout-puissant que l’État voudrait nous faire croire n’existe pas.
Cette action de sabotage n’est pas restée isolée, d’autres ont suivi. Une antenne relais incendiée à Toulouse dans la même nuit, des réseaux de fibres optiques dégradés dans plusieurs départements quelques jours plus tard… début septembre, c’est la SNCF à côté de Reims qui fut de nouveau touchée, avec le sectionnement de câbles mettant à l’arrêt une centaine de trains. Ces derniers jours, nous pouvons saluer le vol de câbles qui a fortement perturbé le trafic ferroviaire dans les Hauts-de-France.
Nous ne pouvons que nous solidariser de cette action qui s’inscrit dans une lutte contre l’État-nation, ses frontières et son nationalisme  Sabotons l’État et ses institutions

Au nom du Père

Bien évidemment, avec Mauvais Sang, nous rejoignons avec joie la profanation de l’ex personnalité préférée des français, et nous crachons d’un bel élan à la face de ce cadavre nauséabond  Abbé Pierre, pourris dans ton cercueil sans enfer ni paradis, tu aurais mieux fait de rejoindre le néant des vers depuis longtemps  Crève et recrève, violeur retors en soutane  Mange tes morts, tes saints et tes chasubles  Intoxique toi à l’eau bénie croupie … Ce n’est pas que nous ayons cru un jour en la pureté de ce religieux, fervent défenseur des thèses négationnistes et antisémites de Roger Garaudy en plus d’être le pervers invétéré que le grand public découvre depuis plusieurs mois (mais que l’Eglise et la Communauté Emmaüs savaient et taisaient de longue date…), mais, tout de même, nous jugeons le moment propice à rappeler quelques vérités quant aux dynamiques perverses et toxiques qui doivent de toute urgence et depuis longtemps être jetées avec l’eau du bain béni de l’Abbé Pierre  sans les institutions de la religion et de l’humanitaire, les effets d’emprise qui ont rendu possible pendant des décennies la réitération des agressions sexuelles, dans le plus grand tabou, n’auraient pas pu perdurer à ce point. La religion offre le terreau à l’abus de faiblesse. L’Eglise catholique en abuse autant que n’importe quelle secte, érigeant un attrait mystificateur et aliénant vis-à-vis de figures intouchables qui elles par contre peuvent toucher et attoucher leurs adeptes sans problème… Dans une lettre écrite à une femme qui lui demande de s’excuser de lui avoir attrapé les seins et fourré la langue dans la bouche, il en appelle évidemment à l’abracadabra chrétien  « pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous pardonnons à quiconque nous offense »… la suite de la prière laveuse de cerveaux ne demande-t-elle pas « ne nous induis pas en tentation »  Car, au fond, n’est-ce pas cet immense retournement propice au viol qui circule dans l’idée de la tentation  A savoir que l’origine du pêché se trouverait dans le serpent, dans la femme Eve, soit dans ce qui séduit et tente le pauvre pêcheur  Ah, que ça doit être dur d’être curé, prêtre ou abbé, quand des hordes de femmes et d’enfants vous tentent tous les jours… L’Abbé Pierre, et plus largement les milliers de religieux pédophiles et violeurs protégés par le Vatican, n’auraient-ils pas toujours été les pauvres victimes de Satan érotisant des corps vulnérables  La Bible n’est qu’un ramassis d’enseignement à pervers, d’ailleurs Dieu Tout-Puissant lui-même, s’il existait, serait le plus grand pervers de tous les pervers, usant et abusant de perpétuelles relations d’emprise qu’il normalise jusqu’à la fin des temps. Merde alors  Et la charité, et l’humanitaire, dans tout ça  Une dose de plus de logiques de pouvoir, comme s’il n’y en avait déjà pas assez dans le monde  La communauté Emmaüs, comme toute organisation de charité, valide et entretient des liens de dépendance envers la personne qui donne le sou, l’habit, la soupe, et qui peut dès lors cesser de les donner si le pauvre ne se tasse pas dans sa position d’infériorité… L’Abbé Pierre a ainsi exigé à plusieurs reprises d’une femme SDF qu’elle réponde à son aide par des contreparties sexuelles. Être une grande figure de la charité permet d’être à la fois le mac, et le client, et le père, et le fils, et le saint esprit, tandis qu’avec cynisme une lettre de la communauté Emmaüs finissait par lui intimer de correspondre à la « figure de sainteté » qu’il incarnait aux yeux du grand public et le mettait sous protection-chaperonnage pour surveiller ses agressions à répétition. Quand bien même l’Abbé Pierre est mort, et tant mieux, Emmaüs, qui aujourd’hui tente de faire oublier la filiation en lavant son image, reste une vaste machine à exploiter les pauvres. La charité entretient structurellement les relations de pouvoir dans un monde qui repose sur l’exploitation, tout en faisant miroiter l’image d’oeuvre de bienfaisance qui fait d’autant plus de ravages qu’elle empêche la critique. Il y a à peine un an, beaucoup de compagnons Emmaüs, sans-papiers, se sont mis en grève pendant plus d’un an, pour dénoncer leurs conditions de travail, leur ridicule argent de poche conditionné (appelé « allocation communautaire ») et la permanence de harcèlements de la part de leurs hiérarchies, rompant ainsi avec force et révolte avec l’image d’Epinal des logiques humanitaires. Leur lutte a en partie abouti à la régularisation de nombreux compagnons, et en juin 2024 le tribunal judiciaire de Lille a reconnu coupables les responsables des communautés Emmaüs et le président des associations de travail dissimulé et de harcèlement moral aggravé.
Retrouvons nous aussi la tentation du mal, du refus des emprises religieuses et « bienfaisantes », agitons une belle et grande haine millénaire des petits et des gros prêcheurs de morale, à bas le Vatican et toutes les religions, à bas les honnêtes oeuvres caritatives et toutes les structures qui entretiennent la dépendance entre les humains  Vive la révolution, sans Dieu ni Maître.

Une nuit au musée

Dans la nuit du 11 au 12 avril 1990, un groupe d’anonymes, cachés par la pénombre, escaladent le mur sud-ouest de l’enceinte qui accueille le Musée d’archéologie de l’ancienne Corinthe. Dans le nord-est du Péloponnèse, situé en contrebas des ruines d’Acrocorinthe, le musée grec, sous la tutelle du Ministère de la Culture accueille des objets fascinants : des kouros de plusieurs mètres de hauts, parmi les premières céramiques à être peintes à figures noires et à fond rouge, parmi les premières colonnes de temple d’ordre corinthien, aux feuilles en marbre finement sculptées, bref, on retrouve dans ce musée des objets sans doute très intéressants et qui ont une histoire qu’ils ne nous raconteront jamais totalement. Ils ne parlent pas, et malgré les rayons X, les scans en tout genre, ils restent muets. Le vigile lui, n’était pas prêt à rester muet et devait sans doute faire trop de bruit aux goûts des visiteurs de la nocturne exceptionnelle, puisqu’ils ont décidés de lui casser la gueule pour pouvoir repartir avec plus de 285 des plus précieux objets des collections (têtes en marbres, bijoux, poterie, vaisselle, figurines votives, etc).
Ils se sont sans doute retrouvés bien embêtés lorsqu’ils se sont rendus compte qu’il serait compliqué de revendre des objets archivés dans tous les sens et signalés comme volés dans tous les registres internationaux, et que peu d’antiquaires seraient ravis d’avoir cette came à refourguer.
À moins que l’équipe de cambrioleurs ne l’aient fait pour la beauté de ces œuvres, pour contempler d’un peu plus près ces statues sans que les cris d’un vigile ou les hurlements d’une alarme ne gâche le moment.
Mais, chers visiteurs, soyez rassurés ! La police veille et les visiteurs seront ravis d’apprendre par un beau panneau dans le musée que la morale de l’histoire, c’est que les méchants se sont fait arrêtés. Ouf. Ce monde est tellement bien et il y a des gens tellement méchants qui veulent s’en prendre au Savoir, à la Culture, aux Musées. Non seulement ils sont cupides, car ils spéculent sur de l’art, mais en plus ils vous privent, VOUS, d’y avoir accès.
Le comble, ils se seraient même servis dans la trésorerie du musée, plus de 1 000 000 de drachmas, soit environ 3 000 euros, l’argent qui était prévu pour le salaire du personnel. Le texte voudrait faire croire aux visiteurs que si les personnels de musées sont si mal payés, qu’ils se cassent le dos à ramasser les mouchoirs des vieux touristes pétés de thunes c’est parce que ces types seraient partis avec.
Certes, les intentions de ces cambrioleurs n’étaient sans doute pas poussées par une rage révolutionnaire de vouloir bousculer ou renverser la vieille institution. Pas plus qu’un autre braqueur, qui a remporté un million d’euros en cash, et qui n’espère pas que ce papier ne vaudra plus rien après son coup. Le cambrioleur espère toujours que sa marchandise pourra se revendre. Et c’est souvent à ce moment-là qu’il se fait attraper, comme ce fut le cas pour ceux-là, recherchés par le FBI et arrêtés dans les années qui suivent. Soit, dans les milieux des pilleurs de tombes et des revendeurs d’antiquités, les intentions ne sont peut-être pas similaires aux nôtres. Mais il y a quelque chose d’insupportable à voir le musée se mettre en scène comme victime du vol des œuvres. Leurs prix d’entrées exorbitants, leurs guides ennuyeux, leurs cars remplis de riches touristes, c’est ça leur « savoir pour tous ». La fiction libérale qui fait croire que c’est pour tous quand c’est derrière un portique payant. Sans compter que ce milieu aussi est centré autour de la thune, que des milliardaires qui achètent des œuvres à des prix exorbitants pour les privatiser dans leurs salons ou dans leurs yachts, ça arrive tous les jours, et là personne ne s’en offusque. Bravo  Belle affaire, ça fera bien dans le salon
Que des types aient décidé de les prendre sans les demander et sans y laisser de la thune, au contraire, mais en y risquant la prison et la mort, il y a là une révolte qui mérite plus de solidarité que ceux qui prennent le camp de la police et de l’État.
L’archéologie, sans doute plus que les autres sciences, est bâtie en grande partie par les projections et spéculations des historiens, qui sont rarement capables de penser contre eux-mêmes et contre les idéologies avec lesquelles ils sont aux prises. L’exemple de l’archéologie nazie est souvent pris : la science a été mise au service du pouvoir hitlérien pour justifier sa vision raciale du monde et légitimer les conquêtes. Des motifs ressemblant à des croix gammées trouvées en creusant les sols des pays conquis ont fabriqué la preuve nazie que le sol n’était pas une prise mais une reprise, puisqu’éternellement aryen. Cette logique qui paraît ridicule est souvent pointée du doigt comme si les archéologues d’avant et d’après ne faisaient pas la même chose. L’archéologie a servi à quasiment chaque État-Nation, particulièrement en Europe, à construire son mythe, son roman national, son narratif d’un pays éternel, habité par le même peuple victorieux et moderne, bref, nos ancêtres les Gaulois. Servant encore une fois les logiques du pouvoir, ses frontières, son autorité. Dans les conquêtes, les nazis ne sont pas les exceptions, et depuis les guerres de Napoléon en Égypte en 1798 à la colonisation de l’Afrique dans les années 1880, il y a toujours un archéologue dans les corps d’armées. Faire comme si le territoire conquis n’avait pas d’histoire, ou se l’approprier, ou l’esthétiser, ou la fantasmer, cela fait partie de la conquête.
Et bien sûr que la création des musées et le financement des chantiers de fouilles partout en Grèce à partir du XIXème siècle n’a pas rien à voir avec sa récente indépendance prise vis-à-vis de l’Empire Ottoman et du besoin de se trouver un passé qui construise une identité nationale, contre l’autre, le barbare de l’autre côté de la mer qui n’aurait rien à voir. Au mépris de l’histoire, on construit alors une nation grecque, qui aurait eu alors à peu près toujours les mêmes ennemis. Les Mycéniens contre les Hittites ou les Troyens, les Grecs antiques contre les Perses, l’Empire Byzantin contre l’Empire ottoman, la nation grecque contre la nation turque comme si les mêmes conflits se répétaient éternellement, comme s’il s’agissait des mêmes oppositions, comme si c’était dans les gènes. Bien sûr, la réalité est toujours plus complexe, faite d’échanges, d’immigration, d’influences mutuelles, de guerres et d’alliances selon les époques mais pour un Père de la patrie du XIXème ou XXème siècle, ce qui compte, c’est de préparer sa population au sacrifice pour la défense de l’idée nationale, et l’histoire, couplée au développement de l’instruction obligatoire, est un très bon moyen de diffuser cette vision du monde.
C’est donc dans cette histoire que s’inscrivent les types qui ont écrit ce panneau pour apitoyer le visiteur. Ils sont bien plus choqués par ce cambriolage que par une institution dans laquelle ils se complaisent (et qu’ils défendent contre ceux qui l’attaquent) et qui a participé aux entreprises nationalistes ayant mené à des millions de morts dans des guerres qui ne concernent que ceux qui les décident.
Retrouvé à Miami par le FBI, suite à la vente aux enchères chez Christie’s de certaines œuvres, un des cambrioleurs est arrêté et incarcéré. Appelés le « gang Karahalios », un père, ses deux fils et une autre personne sont accusés de l’affaire. Seul un des fils, Anastasios Karahalios, a été jugé et condamné le 29 janvier 2001 à la prison à vie, c’est-à-dire à une lente et terrible mort. Les autres auraient été contraints de se cacher quelque part en Amérique du Sud, condamnés par contumace. Une dizaine d’œuvres n’ont toujours pas été retrouvée.
Que crève la taule, qui enferme tous ceux qui refusent de s’inscrire dans la bonne marche de ce monde et qui réprime tout ce qui sort de la norme, la révolte comme la débrouille et la truande.
Que crève l’institution du musée, qui cloisonne et éloigne, qui privatise, qui sacralise et qui désacralise, qui légitime les horreurs guerrières et qui mets les ruines sous des vitrines de formol.
Un jour sans doute, nous nous promènerons dans les ruines de Fresnes ou de la Santé, en nous souvenant quelles forces incroyables nous avons su déployer pour faire tomber ces murs.

Mauvais Sang numéro 8 / Édito : Comme dirait l’autre, sale temps pour les révolutionnaires !

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La présente période laisse en effet un goût morne dans la bouche des antiautoritaires, voyant que les offensives réactionnaires se multiplient et que la réponse d’une grande partie des aires subversives tient à coller au discours de la gauche, qui cherche comme d’habitude à maximiser ses chances d’être la prochaine à nous contrôler.
L’État, sa police et ses frontières, ici comme ailleurs, continuent machinalement de produire leurs lots de morts, de répression et de désespérés. Au Royaume-Uni, la loi qui autorise l’État à expulser tous les clandestins d’où qu’ils viennent vers le Rwanda, qui recevra lui une compensation financière, a été entérinée. Un premier homme a été envoyé à Kigali quelques jours après et le gouvernement prévoit d’en expulser 5700 déjà identifiés d’ici à la fin de l’année.
En France, en mars dernier, c’est Wanys, un jeune de 18 ans ans de la Courneuve qui est mort après avoir été percuté par une voiture de police après un refus d’obtempérer, rappelant tristement le meurtre de Nahel en juin dernier par les flics, qui avait provoqué une déferlante d’émeutes dans le pays. Quelques jours après le meurtre de Wanys, le commissariat de La Courneuve a été courageusement pris d’assaut par des révoltés. Solidarité aux interpellés de cette nuit-là. Solidarité aussi à ceux qui, en Nouvelle-Calédonie, se révoltent aujourd’hui contre l’État français, ses flics et militaires envoyés depuis la métropole et les milices de néo-colons.
Dans ce qui s’annonce comme une stratégie au long cours de l’État contre les révoltes comme celles de juin dernier ou les blocus du mouvement contre la réforme des retraites, le gouvernement a annoncé son plan appelé « Des Droits et des Devoirs » : TIG pour les mineurs, conseil de discipline en primaire, internats, évolution de la responsabilité pénale des mineurs, inscription sur Parcoursup des contestations de l’autorité de l’Ecole etc. L’objectif est clair : il faut contraindre le plus tôt possible la jeunesse à s’insérer dans le monde morne du travail, de la discipline, de la citoyenneté. Et pour cela, ne laisser échapper aucune petite sphère de liberté qui pourrait insuffler des rêves d’émancipation dans la tête des futurs « travailleurs de la Nation ». Cette volonté va de pair avec l’autre grand projet du gouvernement, celui de la mise au travail généralisé de tout un chacun grâce à la futur loi Plein Emploi, que l’État pense pouvoir promulguer tranquillement sans heurts : comment contester cette analyse ? La gauche et les aires radicales semblent tellement travaillistes et prêtes à taper sur les précaires, les rêveurs et les oisifs qu’on ne pourrait lui donner tort.
Pendant ce temps, la gauche appelle au vote dans son traditionnel cirque électoral, cette fois-ci pour les européennes, en brandissant la sempiternelle menace de l’extrême-droite. Si cette dernière, et la réaction en général, progressent dans cette société comme le montrent la banalisation de la parole xénophobe et raciste ou la montée de l’offensive anti-trans, les élections et la souveraineté démocratique n’ont jamais permis de combattre l’extrême-droite, elles pourraient même très bien lui donner le pouvoir !
Les partis ne sont pas seuls ici dans leur entreprise piégeuse : toute une partie de la gauche extra-parlementaire des syndicats aux léninistes-twitcheurs-décoloniaux en passant par les écolos invisibles, fait la voiture-balai pour la gauche en prônant l’union sacrée de la composition autour des Insoumis, qui, entre deux-trois sorties antisémites ou pro-Assad et en se faisant dans le même temps une santé sur les gazaouis dont ils n’ont sûrement pas grand-chose à foutre, rêvent même pas secrètement de gérer à leur tour ce contre quoi leurs publicitaires radicaux sont censés se battre : l’État, avec sa police, ses prisons, ses tribunaux, ses frontières, et ses services publics de mise au travail comme France Travail.
Ne nous laissons pas faire par les autoritaires de tous bords qui n’ont que les mots d’ordre, de travail, de patrie et de stratégie à la bouche. Ne nous faisons pas berner par tous ceux qui voudraient nous faire croire à des populations soutenants sagement et unanimement les décisions de leurs États, dans une vision dénuée de la complexité du monde et de ses révoltes, allant par-là dans le sens des États biens contents de voir leur récits être avalés et recrachés sans réflexion. Ne tombons pas dans les bras de ceux qui récupèrent nos colères et nos espoirs pour se faire une place au soleil, dans des ministères ou des parlements qui n’ont jamais amené d’émancipation à personne sur cette terre.
Un numéro 8 pour perfuser un peu de Mauvais Sang dans les veines de ce monde qui pue l’autorité, la nation, le travaillisme et la discipline.
Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions.
Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme.

Contre la chasse aux indésirables !

L’expulsion des indésirables à Paris, notamment en prévision des JO 2024, continue : en mars et en avril, de nombreux camps accueillant des sans-papiers ont été démantelés, et le plus gros squat d’Île-de-France accueillant plus de 450 sans-papiers a été expulsé manu militari par les flics. Dans un mouvement organisé par l’État qui dure depuis plusieurs mois maintenant, un certain nombre de ces personnes ont été envoyés dans des villes de province dans des cars affrétés par les services publics.
Les JO qui ont lieu à Paris cette année sont, bien sûr, l’occasion pour l’État d’opérer un nettoyage approfondi afin d’évacuer de Paris tous ceux qui pourraient gâcher la vue de carte postale pour les touristes qui débarqueront dans la capitale cet été. Ainsi, des sans-abris franciliens sont depuis un an régulièrement envoyés en car à Orléans dans les mêmes bus que les sans-papiers, les toxicomanes sont balayés par le « réaménagement » des quartiers comme Porte de la Chapelle, les étudiants sont virés de leurs logements réquisitionnés pour laisser place aux athlètes et aux personnels des JO tandis que les proprios évacuent les précaires pour louer aux touristes, et on apprend maintenant que les fichés S pourraient être interdits de traverser certains « périmètres de sécurité » pendant la compétition.
Toute la ville de Paris se prépare pour l’arrivée de Jeux Olympiques et s’organise en fonction, dans ce que l’urbanisme et la gestion des rues, des foules, a de plus autoritaire. Périmètres de sécurité interdits à certaines catégories de la population, laissez-passer, expulsions, mise au travail et valorisation des métiers de la sécurité et de la surveillance (on est nombreux à recevoir, plusieurs fois par mois, des propositions de la part de France Travail pour devenir vigile).
Les jeux olympiques servent aussi à faire passer des lois sur la vidéosurveillance, notamment la vidéosurveillance algorithmique (loi JO 2024), qui, peut-être dans un autre contexte, n’aurait pas été rendu légal si facilement. Ces caméras fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle et permettent de repérer les comportements dits « anormaux » dans les stades et les gares. Ces caméras sont autorisées pour huit cas précis : détection d’une arme, d’une personne au sol, d’une voiture en contresens, d’un départ de feu ou d’objets abandonné. Cela suppose d’emblée de définir une norme bien précise de comportements dans l’espace public et suppose aussi, que toutes celles et ceux qui ne respectent déjà pas ces normes se retrouvent encore plus stigmatisés, discriminés, réprimés. Nous savons qu’historiquement, les jeux olympiques ont toujours servi à l’État qui accueille les JO de renforcer son pouvoir et sa main-mise sur l’espace urbain, et que loin de s’arrêter après la compétition, ce pouvoir perdure, et ouvre, bien souvent, la porte à d’autres innovations technologiques et d’autres formes insidieuses de gestion et de contrôle des populations.
Mais ces dispositifs anti-terroristes et anti-émeutiers ne sont pas infaillibles et tout puissants ! Les entreprises qui les installent, les vendent et les réparent ont des noms et des adresses !
Soyons indésirables !

Travail est mort

Là où on peut flairer à plein nez le travaillisme (cette idéologie de droite comme de gauche, qui voit dans tout travail une vertu et dans toute vie un potentiel de travail utile à la société), c’est lorsque des militants rejettent farouchement la critique radicale du travail pour en conserver un brin de sainte éternité : « Le refus du travail dans la société capitaliste, certes, nous sommes d’accord… Mais il ne faut pas confondre le travail avec l’exploitation salariale. Le travail c’est aussi militer, repeindre un mur, faire un petit feu de cheminée… De tout temps l’humain a du travailler ! L’homme de cromagnon non plus ne voulait pas forcément se réveiller pour aller chasser, mais il le fallait bien, parce que sinon, QU’EST-CE QU’ON VA MANGER ??? %ù^¨ù*àç__ SURTOUT MOI ??? QU’EST-CE QUE JE VAIS MANGER SI MES CAMARADES NE TRAVAILLENT PAS, HEIN ??? ET PUIS QU’EST-CE QU’ON VA DEVENIR ??? TRAVAIL TRAVAIL TRAVAIL, LA VIE N’A PAS DE SENS SANS UN REVEILLE-MATIIIIIIIIN ».
Ah la la, bandes de névrosés dévorés par la trouille d’être les seuls à faire la cuisine post-révolution parce que les autres risqueraient d’être oisifs ! Vite, il faut conjurer tout inconnu révolutionnaire ! Il faut enrayer toute perspective qui ne comporterait pas la perpétuation d’un système de domestication qui a fait ses preuves ! Parce qu’avant tout, le travail, c’est un outil de contrôle des plus efficaces. Ce n’est pas pour rien que dernièrement Attal remet au goût du jour l’importance des travaux d’intérêt général pour punir les mineurs. Comme ça, on tient les réfractaires, les chaotiques, les éléments incontrôlables !
Travaillistes de tous les pays, lâchez la grappe aux possibles. Dieu est mort, les idoles aussi, il est temps d’abattre cette absurdité qui voit depuis l’apparition de l’espèce humaine sur terre une longue chaîne de peines par le Travail. C’est en se dégageant de cette abstraction qui pèse sur nos actes, sur le devoir de les justifier par rapport au bien commun (cette autre abstraction), qu’on peut retrouver goût à la vie, à la liberté dans la révolte qui ne produit rien, qu’on peut trouver une myriade de mots et de raisons (ou pas) pour qualifier ce que l’on agit. Ramener tout acte au travail a une sale odeur de croque-mort mi-chrétien, mi-stalinien, mi-entrepreneur. Tous ces mondes méritent de pourrir dans l’enfer qui n’existe pas ailleurs qu’à l’école, au bureau, à l’usine, à france travail et dans le métro.

Lettre ouverte à Pauline de Livre Noir

Chère, chère Pauline,
D’abord bravo. Bravo pour ce passing trop cute, cette coupe et ce no make up make up look qui t’ont permis à la fois de passer partout, des manifs aux zads, des cantines solidaires aux assemblées contre les CRA, tout en restant finalement parfaite sur les photos qui émaillent ton article tellement au coeur de la tourmente d’enquêtrice undercover. Le teint est nickel, presque pas besoin de retouches.
Bravo aussi pour avoir saisi ce qui permet de circuler dans les milieux subversifs aujourd’hui : le savoir être mondain. Les compétences sociales que tu as dû développer dans ton milieu professionnel ont sans doute été d’une grande utilité sur ce point : savoir s’adresser à ceux qui te seront utile dans ton projet d’empowerment militant, penser à construire des contacts en toutes occasions, ne pas hésiter à mettre en œuvre ton performing disponible et à te rendre utile en prenant les CR de réunions, mettre à profit toutes les occasions informelles pour créer du lien, tout ça a du t’aider à circuler de groupes en groupes pour ton enquête. C’est finalement bien plus important qu’élaborer des points de vue et des perspectives, d’ailleurs personne n’a interrogé ton mindset de journaliste d’extrême droite. La théorie c’est chiant, on s’en passe, la pratique ben ça dépend de ce que ça te fait sur le moment, et puis ça regarde personne sauf le cercle de tes proches safe que tu as dû savoir constituer très vite, c’est à bien d’autres exigences comportementales que tu as su répondre. En un clin d’oeil tu as visiblement pu t’intégrer à divers groupes, te faire ajouter aux listes signal de diffusion mais aussi d’organisation. Il suffit de s’adresser tout de suite aux personnes relais, aux maillons faibles organisationnels, et ça marche. C’est pas comme si ces milieux avaient besoin d’un mimimum de standards de sécurité efficaces : tu as su te plier au folklore, mettre ton portable dans un sac pour discuter de la prochaine cantine solidaire, utiliser signal pour garantir que seuls les journalistes et les flics infiltrés soient au courant des rendez-vous, et le tour est joué.
Bravo enfin dans tout ce parcours, d’avoir su rester toi-même, ça se voit surtout quand tu fais le point après chaque récit. Tu as su rester une connasse d’arriviste réactionnaire d’extrême droite, et ça, après le temps que tu as passé dans des workshop de déplacement collectif avant de te faire tirer les runes chez les radicaux de toutes sortes, chapeau ! Aucune trace de syndrome de Stockholm, la subversion ne passera pas par toi, au mieux tu exprimes une pitié condescendante qui n’enlève rien de ton hostilité globale. Tu as su garder le cap.
Bravo, mais surtout merci. Merci pour ce road trip plein du partage de magnifiques expériences. Merci d’avoir mis en évidence avec autant de pertinence à quel point c’est l’ethos bourgeois qui permet d’être à l’aise partout.
Merci de confirmer que l’entrisme de nos jours ça marche mieux encore qu’à la grande époque du trotskisme qui s’assumait comme tel, et de montrer que, finalement, de Sud aux assemblées anti carcérales, de la lfi aux zads, c’est maintenant un continuum lisse et sans accroc, en totale mixité de classe, dans lequel tu as pu slalomer au gré de ton ressenti et de ton projet de carrière. L’injonction à rester poli et à ne pas hausser le ton as assurément permis de se débarrasser des malotrus sans bonnes manières et de la spontanéité trop punk, tout en gardant les journalistes et les flics, beaucoup moins relous et ingérables, et c’est quand même le principal. Toi, tu as certainement bien fait attention aux tours de parole, aidée par ton absence totale de point de vue et de perspectives anti-autoritaires, tu as pu faire passer le respect des silences devant tes convictions, ça facilite. Tu as su rester safe, tout en prenant tes notes pour ton article de journaflic. Tu as sans doute reconnu des presque collègues sociologues en devenir, tu feras sans doute bientôt des articles de fond à partir du compte rendu de leurs brainstorming avec quelques flics dans leurs séminaires post foucaldiens sur la sécurité des biens et des personnes ou la criminologie anarchiste.
Merci aussi de montrer que le fichage de la participation des sans papiers aux manifestations, travers contre lequel nombre de collectifs auto-organisés luttaient dans les années 90, est devenu monnaie courante. C’est un moyen commode de responsabiliser ces grands enfants qui auraient sinon tendance à se la couler douce. Très utile donc, de se constituer alliés, on favorise l’auto-organisation tout en prenant en charge tout ce qui ne regarde pas les premiers concernés, qui peuvent ainsi pleinement se consacrer à leur récit de vie qui intéressera autant l’OFPRA que les militants en recherche d’émotions fortes.
Merci enfin de restituer quelque chose de ce parfum antisémite qui s’exhale des réunions en soutien à la cause palestinienne depuis le charmant local de la CNT rue de la réunion. C’est touchant de se rendre compte de comment les jeunes militants qui viennent là parce qu’ils sont sincèrement émus par les bombardements menés par le gouvernement israélien apprennent que cette émotion est incompatible avec le choc causé par les massacres du 7 octobre et à lutter pour les Palestiniens en chassant tous les sionistes qui se cachent derrière le refus des drapeaux et des nationalistes. Les Palestiniens sous les bombes bénéficieront très vite de cette lutte contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme en France.
Bravo, merci, mais surtout ne revient jamais pointer ton nez ici ou ailleurs, on ne sait jamais, certains militants sincères et déterminés pourraient avoir mal pris tes compte-rendus agrémentés d’analyses à la Michéa contre le « sans frontiérisme » ainsi que tes photos de gens qui n’avaient pas prévu d’être en pleine page dans un torchon d’extrême droite. Comme tu les avais pas prévenu, ils n’avaient pas fait la morning routine et le make up adaptés, contrairement à toi. Celles et ceux que tu n’as peut-être pas bien remarqué dans les salles de réunion un peu sombre, ceux et celles qui ne mettent pas forcément en avant leur rectitude mondaine, mais tiennent à la révolution et à la subversion.

Au-delà du campisme

Alors que le massacre insupportable à Gaza par Tsahal et ses milliers de morts continue et prend actuellement une tournure encore plus abjecte avec l’offensive sur Rafah, le climat actuel dans le milieu politique nous a poussé à écrire cet article pour redire quelques observations qui devraient être des évidences pour tout révolutionnaire anti-autoritaire : comme dans tout endroit existant sur cette planète, il existe en Israël comme en Palestine, nombre de personnes en lutte contre les différents pouvoirs qui les oppriment.
En Israël des manifestations s’enchaînent tous les week-ends depuis plusieurs mois pour réclamer un cessez-le-feu, et demander le départ de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement, accusés de continuer une guerre inutile et meurtrière à Gaza pour se maintenir au pouvoir, tout en empêchant la libération des otages israéliens détenus par le Hamas par leur volonté de poursuivre aveuglément les combats.
Si les massacres qui se sont déroulés lors de l’attaque dirigée par le Hamas le 7 octobre dernier avaient choqué le pays et fait croire à une courte période d’union nationale, les contestations s’étaient rapidement élevées dès mi-octobre 2023 pour réclamer à l’État d’avoir pour priorité la libération des otages. Alors que le gouvernement israélien s’est entêté à poursuivre la guerre, occasionnant des dizaine de milliers de morts, ces manifestations en soirée se sont intensifiés jusqu’à faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue. Le 6 mai dernier, dans la manif’ la plus massive depuis des mois, des protestataires ont bloqué l’autoroute Ayalon, allumant des feux sur leur passages, et certains manifestants ont assailli l’entrée du Ministère de la Défense avant d’être repoussés par la police.
Ces manifestations viennent rappeler le mouvement de contestation qui avait provoqué des grèves massives et fait sortir plusieurs centaines de milliers de manifestants l’an dernier, et ce jusqu’en septembre 2023, contre la réforme de la justice. Il s’était élargi en partie à la contestation de la politique mené par le gouvernement israélien vis-à-vis des palestiniens, mais aussi à la montée de l’influence politique des mouvements d’extrême-droite sionistes ou religieux ultra-orthodoxes. Lors de certains de ces rassemblements, considérés comme faisant partie des plus massifs de l’histoire du pays, les participants étaient parvenus à plusieurs reprises à bloquer des autoroutes importantes, parfois dans plus de 150 endroits à travers Israël, des voies maritimes, et à un des moments culminants du mouvement en termes d’intensité, à s’approcher de la résidence de Netanyahu.
Aujourd’hui, les opposants à la réforme judiciaire, les familles des otages et les refuzniks, les jeunes israéliens qui refusent le service militaire obligatoire et sont pour ceci passibles de prison, se mêlent dans la rue. Le gouvernement, usant de la vieille et habituelle rhétorique nationaliste d’union sacrée, a dénoncé ces manifestations comme un « cadeau » fait par les israéliens au Hamas, tandis que la police a réprimé brutalement les rassemblements et arrêté plusieurs dizaines de personnes ces dernières semaines, dont des membres de familles d’otages, notamment pour « incitation à l’émeute ».
Solidarité aux interpellés de ces nuits là et à tous ceux qui luttent en Israël contre l’État, la répression policière et la militarisation.
Depuis qu’il a pris le pouvoir sur le mouvement nationaliste laïc du Fatah en 2007, le Hamas cherche à imposer sur Gaza, par l’application de la charia, son idéologie fondamentaliste religieuse et réprime durement toute contestation de son autorité sur ce territoire déjà éprouvé par le blocus israélien.
Cela n’empêche pourtant pas les gazaouis de se soulever contre le Hamas, sa mainmise sur les ressources économiques ou ses « comités moeurs » qui surveillent l’application des restrictions religieuses. Depuis une dizaine d’années, des manifestations et émeutes font irruption dans l’enclave palestinienne. Des manifestations de grande ampleur avaient eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Gaza en 2015 et en 2017 notamment pour protester contre les incessantes coupures d’électricité, dont le réseau et l’approvisionnement était partiellement contrôlé par le Hamas et le Fatah à l’époque. En 2019, les gazaouis avaient pris la rue en bloquant les routes et en enflammant des pneus pour protester contre les taxations imposées par le Hamas sur des produits de nécessité et contre les conditions de vie inhumaines, entre pauvreté, chômage, pénuries et enfermement, alors que les dirigeants du Hamas ne vivent pas à Gaza et que ses gradés profitent de positions très privilégiées par rapport au reste de la population. En juillet-août 2023, des protestations dans les villes de Gaza, de Rafah, de Khan Younès et dans les camps de réfugiés de Jabalyah et Nusseirat, ont réuni des milliers de palestiniens, après notamment de nombreux appels relayés par le compte Instagram anonyme « Virus Al Sakher » ou « Virus moqueur ». Les palestiniens manifestaient contre les conditions de vie atroces imposées par l’armée israélienne mais aussi contre le pouvoir local du Hamas, dont les partisans ont été la cible de jets de pierre et ont vu leurs drapeaux verts brûlés par les émeutiers. Les gazaouis chantaient notamment « Le peuple veut renverser le régime ».
Face à ces manifestations, le Hamas et sa police ont toujours répondu par une forte répression, en tabassant les émeutiers et en les mettant en prison, en tirant en l’air ou sur la foule. Le Hamas a constamment empêché la propagation des images et des appels sur les réseaux sociaux, même si nombre de témoignages nous sont parvenus et sont chaque jour partagés. Il a aussi, depuis sa prise de pouvoir, condamné à mort et/ou exécuté plusieurs palestiniens, et a beaucoup usé le motif de « collaboration avec Israël ». Le Hamas a en général cadenassé l’expression des désaccords dans l’enceinte de la bande de Gaza, avec une surveillance accrue des gazaouis matérialisé par : les Services de sécurité générale et de ses fichiers sur chaque individu où sont recensés ceux qui ont participé aux manifestations de 2023 ou ceux ayant jugé « immoral » ; un réseau d’informateurs étendu et un encouragement à la délation.
Solidarité avec tous ceux qui à Gaza, en plus de subir les assauts meurtriers répétés de Tsahal et le blocus israélien, descendent dans les rues contre l’autoritarisme militaire et religieux du Hamas.
Les faits rappelés ici montrent qu’en Israël ou en Palestine, des individus se sont toujours battus et se battent toujours contre ceux qui tentent de contrôler leurs vies, qu’ils soient des soldats et des politiques de l’État israélien ou des partisans du proto-État du Hamas (ou même avant, du Fatah). Ces révoltés semblent pour la gauche campiste ne pas exister, tant la volonté est grande d’assimiler tout ce monde à son gouvernement respectif pour maintenir intact son idéologie.
Depuis le 7 octobre, une partie de la gauche et des aires subversives françaises et internationales se vautrent dans un campisme des plus débilitant. Alors que la droite et l’extrême-droite soutiennent de manière obscène le gouvernement israélien, Tsahal, et leur « droit » à la riposte militaire et aux massacres, la gauche sous anti-impérialine, des bouteldjistes de Paroles d’Honneur à Solidaires en passant par les trotskystes, a répondu par un soutien, « critique » ou pas, à ceux qui sont supposés être « le camp des palestiniens », en l’occurrence le Hamas, présenté comme étant la « résistance palestinienne ». Enfin LFI, qui soigne sa période électorale, tire son épingle du jeu en se présentant comme le parti défenseur des opprimés, après avoir fait maintes fois preuve de positions ambiguës sur la Syrie de Bachar al-Assad ou sur le génocide des Ouighours par la Chine.
Hors des plateaux-télés, les occupations étudiantes se succèdent et certaines des revendications qui y sont portées nous interrogent : l’arrêt des poursuites contre les étudiants mobilisés ne nous pose absolument aucun souci, mais une autre revendication qui revient concerne l’arrêt des partenariats avec les universités israéliennes, notamment parce que celles-ci auraient des filières en lien avec l’armée israélienne. Assez cocasse de la part d’étudiants de Science Po, dont une grande partie constitue les futurs politiques, ambassadeurs, bureaucrates des cabinets ministériels, qui collaboreront bientôt avec leur État et leurs armées et tous ceux du monde, quand ils auront enfin fini de boycotter des triple-cheeses. Si cette revendication était obtenue, cela reviendrait à empêcher notamment tout échange universitaire pour les israéliens désirant se rendre en France, peu importe ce que ces israéliens pensent de leur gouvernement, qu’importe apparemment si ces derniers sont des refuzniks ou des émeutiers ayant combattu l’État israélien depuis le printemps dernier ou plus longtemps encore. Récemment, un appel a été lancé à Paris pour demander l’annulation de la venue des exposants israéliens lors d’un salon de l’industrie de l’armement à Paris (« Aucune arme israélienne à Eurosatory »). L’antimilitarisme serait-il devenu sélectif, en fonction du pays qui utilise-vend-achète les nouvelles technologies militaires qui serviront à tuer tous azimuts ? Y a-t-il maintenant les bons et les mauvais missiles ? A-t-on enterré l’internationalisme le plus élémentaire pour de bon ?
Pire encore, une partie de ceux que nous avons cités se baignent lamentablement dans un antisémitisme sous couvert d’antisionisme dans la plus pure tradition soviétique (ou sorialienne). On en viendrait presque à confondre certaines déclarations de gauche avec des saillies dieudonnistes, surtout quand d’aucuns, perdurant ainsi la longue tradition de l’antisémitisme de gauche, viennent accuser de « sionistes » ceux qui critiquent une rhétorique confusionniste ou antisémite de la part de leurs idoles gauchistes qui reprennent le vieux poncif des « juifs nouveaux nazis » ou du lobby sioniste qui contrôle le monde. Ou que d’autres viennent déballer leur nouvelle forme de négationnisme pervers en affirmant que le nazisme ne fut pas « nécessairement antisémite » (vu sur Twitter).
Nous rappelons ici à ces raclures que critiquer Israël, ses massacres, sa colonisation en Cisjordanie et sa politique générale envers les palestiniens est possible sans en appeler à la référence sensationnaliste aux nazis, qui avaient une spécificité assez essentielle : vouloir éradiquer les Juifs (ce qui ne les a pas empêché d’exterminer d’autres impurs et indésirables du IIIème Reich).
En faisant ceci, ces raclures ne rendent service ni aux gazaouis et aux initiatives de soutien, ni à la lutte contre l’antisémitisme.
De l’autre côté de l’échiquier politique, le RN, parti de racelards créé par d’anciens collabos et Waffen-SS, se sent maintenant de tenter de faire gober à tous qu’il est un parti protecteur pour les juifs, en déversant par la même occasion sa bile contre les immigrés maghrébins et arabes.
Quelle époque détestable mais qui ressemble finalement à toutes les autres : comme toujours, la gauche comme la droite nous donnent envie de gerber.
Les actes antisémites ont augmenté partout en flèches et, devant la banalisation, à gauche notamment, de discours, d’actions ouvertement antisémites ou flirtant avec, il nous semble plus que jamais nécessaire de marquer une rupture
Par ces quelques observations, nous voulons rappeler que la stratégie qui consiste à amalgamer les individus aux États ou aux organisations qui les oppriment est une arnaque factuelle et conceptuelle la plus complète, la réalité ayant toujours contredit ces analyses, et qu’elle équivaut à donner absolution à ces mêmes États, tant ces derniers se frottent les mains en voyant leurs discours si proprement diffusés.
S’il doit sans doute être difficile de penser à autre chose qu’à sa survie quand on est sous les bombes comme les gazaouis le sont actuellement, s’il est sur qu’il est de plus en plus ardu en Israël, où le pouvoir politique mène une intense propagande de guerre et d’union sacrée, de résister aux sirènes nationalistes, nous savons qu’il existe toujours une potentialité pour la révolte là-bas, des deux côtés de la frontière. Il est une nécessité pour les révolutionnaires d’ici et de partout d’affirmer en solidarité que la défense d’un drapeau national n’a jamais émancipé personne dans ce bas-monde et que la bataille ne se mène pas entre nations, entre religions, entre « peuples » mais qu’elle se mène contre ceux qui nous exploitent et nous oppriment, qu’ils soient soldats, religieux, démocrates ou capitalistes !

Mauvais Sang numéro 7 / Édito

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L’alourdissement des frontières nationales, des expulsions, et de l’accès à des papiers qui conditionnent bien trop nos conditions de vie, continue de s’approfondir. Au Royaume-Uni, c’est un projet de loi visant à expulser massivement vers le Rwanda qui est au goût du jour ; en France, après la loi immigration, c’est le projet de loi visant à mettre un terme au droit du sol à Mayotte qui est maintenant lancé. Sur l’île, ce sont des collectifs de « citoyens » revendiqués qui ont fait des blocages et barrages pour dénoncer la « crise migratoire » et demander ainsi plus de renforcement de la frontière, alors que le droit du sol y est de base déjà durci. N’attendons pas que le Conseil Constitutionnel se prononce à ce propos. Ni droit du sol, ni droit du sang ! Comme avec la loi immigration à propos de laquelle nous avons écrit dans le numéro précédent, c’est contre l’État français, contre ses citoyens fiers de l’être, contre les institutions de tri et les entreprises et associations collabos qu’il faut se battre sans relâche. Il n’y a pas de calendrier du droit et de la loi pour combattre l’horreur des frontières.
En parallèle de la mise en action de sa politique xénophobe, l’Etat a aussi annoncé récemment les mots d’ordres de son nouveau gouvernement : contrôle, travail et autorité. Du contrôle sur les précaires et les chômeurs en instaurant le travail obligatoire en contrepartie du RSA et la fin de l’allocation spécifique de solidarité (pour les chômeurs en fin de droits), histoire de foutre tout ce petit monde au boulot bien rapidement. De l’autorité sur les jeunes avec la généralisation du SNU, la création d’une peine de « travail d’intérêt éducatif » pour les mineurs et d’une peine complémentaire de TIG pour les parents d’enfants délinquants et l’uniforme à l’école et le doublement de l’enseignement de l’instruction civique et morale, pour faire de toutes les jeunes générations de dociles citoyens de la République. La réforme de l’aide médicale d’État a même été promise, garantissant par là une accélération de la discrimination des étrangers dans les années à venir.
Avec ce numéro 7 de Mauvais Sang, nous espérons bien agiter de la révolte contre les fantasmes de droit du sang, de Papas et de Mamans citoyens réarmés, contre le travail et l’autorité et contre les identités bien traditionnelles qui sont notamment remises au goût du jour par des influenceurs à la mode tels que des Tradwife et des racistes réactionnaires estampillés « décoloniaux » plébiscités par une partie de la gauche.
Ne nous laissons pas faire non plus face à la répression récente de nos révoltes : la Défense Collective de Rennes est menacée de dissolution ; douze personnes arrêtées à proximité du CRA de Vincennes le 31 décembre ont un procès en cours au tribunal de Paris pour « groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », « transport d’explosifs », « refus de signalétique », « identité imaginaire » et « refus de donner les codes de déverrouillage du téléphone » ; un jeune homme de 19 ans a été condamné à cinq ans de prison (dont trois avec sursis) le 7 février à Asnières-sur-Seine pour l’incendie de ce même tribunal lors des émeutes le 29 juin dernier. À chaque fois, c’est toute la révolte et la subversion qui grouillent dans ce pays qui sont visées.