Quelles sont-elles, et où, et avec qui, les possibilités insurrectionnelles et révolutionnaires en ce moment en Ukraine ? Quelles sont les dynamiques qui vont dans le sens d’une destruction de tous les appareils militaires, de toutes les formes de pouvoir et de contrôle ? Qu’est-ce qui lutte dans la guerre mais contre la guerre, c’est-à-dire contre la logique d’un combat entre deux appareils militaires pour le contrôle d’un territoire et d’une population ? Ces questions doivent nécessairement être tournées vers la pratique, en prise avec une réalité que nous avons encore du mal à saisir, et vont de pair avec celle, plus large, que nous aspirons à pouvoir nous poser sérieusement au niveau international : une intervention révolutionnaire dans le contexte de la guerre en Ukraine est-elle possible ?
Si nous ne parvenons pas à nous la poser, le plus largement possible et au plus vite, dans toutes les langues, tous les pays, depuis la perspective d’en finir avec les États et le capitalisme, nous risquons de voir l’horizon révolutionnaire encore plus malmené et restreint par cette guerre qu’il ne l’est déjà. Nous risquons d’être malgré nous emportés par le courant majoritaire de l’Histoire qui ne va jamais dans le sens de la Révolution : nous risquons de perdre toute autonomie en nous retrouvant entraînés dans la défense d’un des camps en présence – dans ce contexte, dans la défense de la sociale-démocratie bourgeoise et nationaliste, de l’idéologie mortifère, pleine de frontières et de barbelés, du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », c’est-à-dire du droit à se faire exploiter librement par une bourgeoisie bien de chez soi.
Toutes les postures et prises de position hors sol contre la guerre n’y pourront rien.
L’heure n’est pas aux postures, mais à l’intervention.
Nous pensons qu’il est impossible de réfléchir correctement aux différentes formes d’intervention dans une situation de guerre sans un échange intense entre ceux qui sont pris dedans, dans leurs vies et leurs quotidiens, et ceux qui vivent ailleurs et peuvent alors observer d’autres choses grâce à la distance, et en manquer d’autres. Autant les premiers que les seconds ont intérêt à lier leurs interrogations : sans cela, on peut se perdre dans l’urgence, ou on peut se perdre dans l’extériorité complètement hors sol, alors que la Révolution mondiale est un destin commun.
Aujourd’hui nous pâtissons d’une situation de faiblesse historique où nous manquons cruellement de liens, d’échanges et de pratiques communes. Mais la guerre est un moment de crise : tout peut très vite basculer. Nous pensons que tous ceux, de tous pays, qui souhaitent faire advenir une révolution mondiale, devraient multiplier les liens internationaux ! Plus que jamais, il est temps d’éprouver à nouveau la solidarité internationale des révolutionnaires !
Faisons circuler nos perspectives, nos pratiques et nos idées. Traduisons, écrivons, échangeons, dans les luttes, pour les luttes, avec pour horizon la destruction de toutes les frontières, de tous les États-nations et de toutes les fantasmagories de Peuples unis.
Il est temps de réinterroger l’histoire révolutionnaire : à l’encontre des révolutions nationales du XIXème siècle, la nécessité de l’internationalisme face aux limites des guerres d’indépendance nationale a été observée depuis longtemps. Pourtant, nous voilà encore une fois à devoir lutter contre certaines idéologies actives de défense de souveraineté nationale sous prétexte d’anti-impérialisme. À l’aune du XXIème siècle et d’une guerre meurtrière, souvenons-nous que nos perspectives radicalement anti-étatiques ne sont ni mortes, ni oubliées et qu’elles ont plus de sens que jamais !
Alors, qu’est-ce qui freine, depuis trop longtemps déjà, un internationalisme tangible, dont la nécessité nous apparaît d’autant plus lorsque les États-nations sont en crise ? Quels verrous, internes aux mouvements révolutionnaires du monde entier, les empêchent d’éclater au-delà de leurs propres frontières ? Quels qu’ils soient : faisons-les éclater, et demandons-nous comment ! Nous pouvons pour cela nous appuyer sur l’histoire foisonnante des oppositions révolutionnaires aux différentes formes de léninisme depuis maintenant plus d’un siècle : elles ont permis de sans cesse maintenir des conflictualités à l’intérieur des luttes, des crises et des guerres, contre tout ce qui allait dans le sens d’endiguer les révoltes multiples dans des cadres nationaux et réformistes.
Pour la Révolution, en Ukraine, à l’Est, à l’Ouest, au Nord, au Sud, au Zénith et au Nadir sur toute la Terre et plus loin, détruisons toutes les Nations, leurs armées et leurs économies.
Contre les dictatures, contre les démocraties,
Vite, vite, vite, retrouvons-nous pour nous demander : COMMENT ?