Mauvais Sang numéro 10 / Édito

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La fin de l’année 2024 a connu plusieurs événements tragiques ou, au contraire, porteurs d’espoirs.

A Mayotte, le cyclone Chido a tout ravagé sur son passage. Des milliers de personnes, malgré un décompte flou et difficile, semblent avoir été emportées par des torrents de boue et de détritus, et de violents vents ont détruit les habitats précaires de l’île, dont le bidonville Kaweni, le plus grand de France, entièrement dévasté. Ces dégâts considérables humains et matériels ne sont pas la cause d’une hasardeuse «  catastrophe naturelle  », mais bien les résultats de la gestion des populations par l’État et le Capital, qu’un aléa naturel aura ici révélé, comme cela a pu aussi être le cas dans la région de Valence fin octobre, touchée par des inondations records, faisant plus de 200 morts, notamment en raison d’une gestion catastrophique de l’alerte face au risque d’inondation.

C’est bien le système capitaliste protégé par l’État et sa gestion qui a conduit des dizaines de milliers de pauvres à s’entasser dans de fragiles cabanes de tôles à Mayotte ou à être privés d’eau courante, d’électricité ou de réseau (cruciaux après le passage du cyclone). C’est bien la xénophobie de l’État français qui a provoqué l’entassement des sans-papiers dans ces bidonvilles. Ces mêmes sans-papiers qui n’ont pas rejoint les vétustes centres d’hébergements d’urgence, de peur que les alertes soient un piège pour les regrouper et les expulser, illustrant ici de manière tragique le harcèlement de l’État envers les migrants illégaux.

L’État, face à la colère des habitants mahorais, a réagi par une aide d’urgence souvent inatteignable pour les habitants les plus reculés, puis par des mesures sécuritaires  : couvre-feu pour empêcher les pillages, loi pour limiter la vente de tôle aux professionnels ou aux personnes ayant un justificatif de domicile, et nouvelles mesures pour lutter contre les clandestins. Le 1er janvier 2025, l’État a organisé le « rapatriement humanitaire  » des clandestins comoriens vers les Comores, en prenant bien soin de relever identité et empreintes.

Face à la détresse et à l’urgence, comme toujours, l’État organise le «  retour à la normale  »  : endiguer les contestations et surtout chasser les indésirables qui sont sommés de faire profil bas et de se cacher… jusqu’au prochain désastre. Mais face aux bilans comptables, face à l’impératif de la continuité économique, face à la violence du pouvoir, ces moments sont aussi des moments d’instabilité où la révolte peut prendre forme  : on a ainsi vu les mahorais fustiger les représentants de l’État lors de leur venue ou les valenciens accueillir le roi et la reine d’Espagne avec des jets de boue ou s’affronter avec la police qui protégeait l’Hôtel de ville.

La fin de l’année 2024 a tout de même amené deux évènements d’ampleur réjouissants : du côté de la Syrie, c’est la chute du régime Assad qui secoue et ouvre autant de prisons que de potentialités nouvelles ; et du côté des Etats-Unis, c’est l’assassinat en pleine rue du patron de UnitedHealthcare, plus grosse entreprise mondiale d’assurance santé privé, qui rappelle aux roitelets qu’ils ne sont peut-être pas si tranquilles qu’ils n’ont l’air de le croire. Le mouvement de soutien international qu’a reçu Luigi Mangione, la personne arrêtée et accusée de cet acte par la justice, peut nous donner de l’espoir. Pour être solidaire de la révolte, rien de mieux que la propager, dès que possible  !

En Syrie comme ailleurs, à bas les prochains chefs, empêchons les de faire perdurer leurs pouvoirs de manière diversifiée et protéiforme. «A bas le prochain président !», c’est un tag syrien qui a circulé en photo sur les réseaux sociaux et qui nous semble plein de sagesse révolutionnaire. Il est évident que la chute d’Assad n’est pas réductible au seul impact de HTS, groupe rebelle islamiste, qui, dans la localité d’Idlib, réprimait les manifestants il y a encore peu, et semble vouloir installer un pouvoir rigoriste sur le territoire. Après plus de 10 ans de guerre civile, il y a fort à parier (et à espérer  !) que les habitants de Syrie ne se laisseront pas dominer par un nouveau dictateur, ni par un énième groupe conservateur au pouvoir.

Du côté du travaillisme, le 1er janvier 2025, c’est en France l’entrée en vigueur de la généralisation de la loi Plein Emploi et du volet concernant le RSA. A compter d’aujourd’hui, tous les RSAstes (et leur conjoints) sont inscrits à France Travail, sommés de justifier 15 heures d’activités hebdomadaires, sous peine de suspension des allocations ou de radiation. Contre ces mesures destinées à nous insérer de force dans le marché de l’emploi, à travailler à notre propre mise au travail, à former et conformer les récalcitrants  : esquivons la réinsertion, et organisons-nous pour lutter collectivement contre la machine à travailler  !

Mauvais Sang espère une nouvelle année agitée, en révoltes, en émeutes, en dépassements des possibles impasses que pourraient nous tendre les récupérateurs de tous bords. Sus à la droite, sus à la gauche, sus au centre  : il est grand temps de sortir de ces pièges qui n’intéressent personne, pour enfin mettre l’économie, la gestion, la morale et le contrôle sens dessus dessous.

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Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme.