Après l’abandon discret du Service National Universel (SNU), qui avait pour ambition initiale de devenir progressivement obligatoire pour tous les jeunes de 16 ans, on aurait pu espérer qu’aucune nouvelle disposition pour le fumeux réarmement patriotique ne vienne la remplacer. Mais il apparaît maintenant que la volonté de préparer une nouvelle génération prête à tenir le fusil et à se conformer aux toutes les directives de l’État est tenace.
Lors du 14 juillet dernier, Macron annonçait déjà : « Pour être libre, il faut être craint, pour être craint, il faut être puissant », appelant encore à un sursaut de la population pour qu’elle se range derrière son armée, ajoutant que les hausses de dépenses dans la préparation à la guerre doivent être financé non pas avec de la dette, mais avec la production et le travail, en appelant à l’union sacrée. Autrement dit, effort de guerre, économie de guerre, et tout le monde y participera. « L’engagement citoyen » qui était vendu par le SNU n’était sans doute pas assez militarisé et a donc été remplacé par le Service National annoncé le jeudi 27 novembre. 10 mois d’encadrement militaire, sur le territoire national, pour les 18-25 ans, sans condition de diplômés, dès l’été 2026 avec 3 000 volontaires, rémunéré 800 €/mois. L’État veut rendre la proposition alléchante en promettant rémunération et crédits ECTS (pour les étudiants). Une aubaine pour tous les conseillers d’orientation et d’insertion à France Travail, dans les missions locales, dans les classes spécialisées et les lycées pros, qui vont pouvoir réorienter cette masse de non-insérés et d’individus en perte de “projet professionnel” vers la défense de la Nation.
Pour l’instant, il n’a pas vocation à devenir obligatoire, mais à être progressivement élargi pour arriver en 2035 à 50 000 participants. Il est certain que cette décision de mettre sur la base du volontariat est pensée pour faciliter l’acceptation sociale du Service National, et qu’une fois qu’il sera installé et solidement mis en place à grande échelle, il suffira d’une nouvelle conférence de presse pour le rendre obligatoire.
N’attendons pas cette décision pour rappeler qu’il n’y a aucune émancipation à trouver dans l’engagement pour la patrie. Que la seule lutte qui libère, c’est celle qui s’attaque aux pouvoirs, pas pour en instituer un nouveau ou un concurrent mais pour les mettre à bas.
Evidemment, avec ce service national, il n’est pas seulement question de créer un temps de mixité sociale, pour devenir un bon petit citoyen (ce qui est déjà un problème), mais c’est aussi d’avoir une base plus large de réservistes, prêt à être mobilisés sur réquisitions « en cas de crise majeure ». C’est une leçon directe de l’évolution moderne de la guerre, qui pensait n’avoir plus besoin de conscription, que des professionnels accompagnés des nouvelles technologies suffisait, mais le front russo-ukrainien l’a démenti, et l’on voit régulièrement des porte-parole d’armée parler du manque cruel de masse humaine sur le front, c’est-à-dire de chair à canon. C’est donc aussi ça l’idée, de familiariser la population à l’idée que la guerre fait partie du monde, qu’elle est inévitable et qu’il faut juste s’y préparer pour la gagner.
Mais que pouvons-nous faire ? Il y a eu une mobilisation contre le SNU, notamment par les lycéens qui régulièrement dans les blocus s’opposaient à la généralisation de ce service militaire. Espérer seulement que ce sursaut militariste ne prenne pas, que les uniformes, les levées de drapeau, et la discipline ne fassent pas rêver, et que l’État ne parvienne pas à remplir ses projets ? Mais ça ne suffira pas. Il faut, face à cette pression, redoubler nos cris qui rappellent que nous haïssons la France et toutes les nations, et que tous ceux qui portent leurs uniformes sont les incarnations de l’autorité que nous combattons. Rappelons ici que cette propagande patriotique est partagée par tout le spectre des gestionnaires de l’État. Si LFI s’oppose au projet, alors que Renaissance, LR, le RN et le PS y sont favorables, c’est qu’ils ont concocté leur propre réponse à la question du patriotisme et de la remilitarisation : leur dernier programme L’Avenir en commun propose une conscription citoyenne pour tous les jeunes de 18 à 25 ans, d’une durée de neuf mois, rémunérée au SMIC, censée constituer une Garde Nationale en cas de crise majeure. Bonnet blanc et blanc bonnet donc.
Et pour quand les cris ne suffisent pas, des idées pourraient émerger à partir de ce qu’il s’est passé à Ixelles il y a quelques semaines. T., arrêté dans la nuit du 10 novembre par les keufs belges, accusé d’avoir essayé de brûler trois voitures de police. Il est aujourd’hui en prison préventive, le temps de l’enquête, à la prison de Haren. La solidarité, c’est l’attaque contre les autoritaires de ce monde, nos ennemis de toujours, qui mettent en prison ceux qu’ils accusent de se révolter.
Le 5 novembre 2025, en Allemagne, dans plus de 90 villes, des grèves et manifs se sont produites pour protester contre le projet de «service militaire volontaire» et la possible conscription obligatoire prévue par l’État allemand. A quand une réaction similaire ici ?
Nous devons refuser cette route morbide qui nous est promise. Ceux qui préparent la guerre veulent la guerre ! S’ils nous font prendre les armes un jour, c’est contre nos supérieurs que nous tirerons.
Désertion, révolte, attaque, sabotage, blocage, tout mais pas les rangs.
Solidarité avec T, et avec tous ceux qui refusent le pouvoir de l’uniforme.