Nous voyons aujourd’hui refleurir les sales bourgeons du patriotisme, du nationalisme, de la France et de son peuple, de son terroir, de sa culture et de son histoire. Cela apparaît d’autant plus que les élections présidentielles approchant, la propagande nationaliste s’intensifie et l’idéologie se renforce. Si toutes ces choses ne sont jamais mortes, si elles sont en réalité relativement victorieuses dans la société dans laquelle nous vivons, elles semblent tout du moins gagner en force et se répandre, jusqu’à s’incruster dans les luttes et les mouvements sociaux. En France, c’est le mouvement des Gilets Jaunes qui a été le douloureux symbole d’une progressive banalisation de la référence à la Nation.
Mais c’est plus largement encore dans le monde, dans d’autres pays, que ce bouquet puant semble connaître un nouveau printemps. Il est grand temps de l’arracher par la racine. L’assaut du Capitole aux États-Unis ainsi que les blocages au Canada liés aux convois de la liberté ont provoqué ces derniers temps une inquiétante sympathie, voire une fascination, chez de nombreux gauchistes. On dirait que le dépit actuel face à l’absence de puissantes perspectives révolutionnaires finit par se transmuer en un engouement à l’égard de tout ce qui s’agite un peu plus fort que le reste – et, à notre époque, c’est malheureusement parfois le drapeau de l’État qui s’agite à nouveau dans la rue. Cette sympathie – la même qui ne voyait rien de très problématique aux symboles utilisés par les manifestations des Gilets Jaunes dès 2018 – va de la banalisation (« ce ne sont justement que des symboles, des mythes, des références ») au pragmatisme (« au moins ça fédère, ça fait mouvement ») jusqu’au franc opportunisme (à cet égard les appellistes de Lundi Matin sont à la pointe, s’appuyant sur Lénine pour justifier qu’il est nécessaire de s’organiser avec les discours complotistes et réactionnaires actuels qui gravitent évidemment toujours autour de l’idée de Peuple national). Mais nous qui souhaitons voir s’épanouir un processus révolutionnaire au cours duquel l’État et le capitalisme pourraient tomber et ne plus jamais se relever, devons absolument nous confronter, sans aucun début d’accointance, à ce renouveau du nationalisme. Et ce, pas seulement parce que le drapeau tricolore est moche, où parce que la Marseillaise fait saigner les oreilles, mais surtout parce que cette mythologie, si elle prétend rassembler et unir, sert toujours à la perpétuation des institutions, et non à l’émancipation de tous. En croyant rassembler tout le monde sous une bannière commune on ne fait toujours que défendre l’idée de l’État et des frontières qui font la réalité matérielle des nations. Le renouvellement de la nation, où qu’il ait lieu, lorsqu’il devient la perspective de mouvements au départ plus spontanés et sociaux, ne manque jamais d’avoir ses fidèles soldats qui fusillent et emprisonnent les différents anti-autoritaires, anarchistes, communistes, et autres troubles-fêtes.
Les différents États, organisateurs et gestionnaires des populations du monde, ont à leur disposition tout un arsenal d’outils de coercition au service de la gestion sociale et du maintien du système économique. L’unité de la nation, le mythe de la communauté nationale, sa solidarité et son histoire sont ainsi cultivés afin de souder et d’unifier sous un même drapeau, sous une même identité, sous un même État : autant d’idoles qu’il est nécessaire de renverser. Développons dans les mouvement sociaux une critique féroce du nationalisme, car si rien ne s’y oppose, il gagnera contre nos aspirations de liberté.
Trouvons des manières de le combattre. Brûlons les drapeaux, réaffirmons sans cesse la conflictualité où nous le pouvons, au sein des mouvements et ailleurs, discutons, hurlons, blasphémons et rions contre la France et ses nombreux cousins. Attaquons leurs intérêts, où qu’ils soient, avec toute la multiplicité de techniques et d’outils que les révoltés ont développée à travers le temps.
Le sang qui coule dans nos veines n’est ni celui de Clovis, ni celui de Napoléon, pas plus que celui d’aucun roi et d’aucun français d’aucune sorte, d’ailleurs. Il n’est que du plasma, un mélange bâtard de globules visqueux qui fait fonctionner nos corps et nos cerveaux, et s’il bouillonne c’est pour les émeutes, les soulèvements, les révolutions de partout et d’ailleurs. Un sang irréductible à tout papier ou à toute autre assignation d’identité à un territoire borné !
Notre haine de la France est évidemment plus que solidaire de tous ceux qui, en Russie comme en Ukraine, réussissent à trouver un chemin par où lutter contre les États et les nationalismes qui s’affrontent aujourd’hui à travers la guerre en cours.
NIQUE LA NATION !
VIVE LA RÉVOLUTION !