Ceci n’est pas un accident

Jeudi 14 novembre, à Nanterre, Yacine, 19 ans, est percuté par un RER sur les rails de la station Nanterre-Université. Grièvement blessé, transporté à l’hôpital, ses jours ne sont plus en danger.

Sur les vidéos circulant après l’événement, des témoins choqués crient sur des équipes de sécurité de la RATP : « On est sur un quais, vous êtes malades ou quoi?! « Ils l’ont poussé ! ». Tous les récits rapportés indiquent que le drame se serait produit lors d’une intervention des agents de sécurité de la RATP, les GPSR, qui cherchaient à interpeller Yacine, qui aurait tenté d’échapper à leur contrôle. La RATP quant à elle indique que « lors d’une intervention d’une équipe de sûreté de la RATP, un individu a été déséquilibré et percuté par un train » et a « exprimé sa vive émotion à la suite d’un accident ». Une enquête interne à la RATP a été ouverte, de même qu’une autre de la police. Nous n’attendons rien du tout de la justice, nous crachons sur « l’émotion » de la RATP et espérons surtout que Yacine se rétablisse du mieux possible.

Tout ceci n’a surtout rien d’un « accident ». Que ce jeune ait été poussé, déséquilibré ou se soit retrouvé sur les rails du RER en tentant d’échapper lui-même au contrôle, cet événement est une (terrible) conséquence du harcèlement quotidien des GRPS de la RATP, de la Sûreté Ferroviaire de la SNCF, des flics de la BRF, et de toutes les équipes de contrôleurs, sur les fraudeurs, les sans-abris, les sans-papiers, les musiciens de passage, les dérangés, les tagueurs, et les vagabonds qui passent quotidiennement dans ce réseau pour se faire trimballer de leur domicile aux différents endroits où ils tentent de gagner leur croûte. Chaque jour, des milliers de personnes essayent d’échapper à leurs contrôles harassants et chaque jour, une partie de ceux-là se font attraper et doivent payer à ces clébards. En cas de mauvais payeur, de fraudeur récalcitrant, ceux-là n’hésitent pas à en profiter pour appeler leurs fidèles molosses de la Sureté pour le tabasser dans les couloirs, à base de plaquage ventraux, de clés de bras à 10 sur 1, avec matraques et gazeuses. Ces contrôles musclés mènent parfois à la mort. En 2021, 6 contrôleurs avaient asphyxié à mort Saïd M’Hadi dans le métro marseillais en le plaquant au sol.

Le racket ou le passage à tabac donc. Quoi de plus logique que de tenter donc de se rebeller et d’échapper à leurs contrôles, comme l’a fait Yacine et comme le font des milliers de gens chaque jour dans les transports ?

Il n’y a rien non plus d’étonnant à ce que de plus en plus d’usagers fraudent, vu la pression toujours plus haute mise sur les portes-monnaies par la RATP . Après avoir mis les billets à 4 balles cet été, elle a a annoncé une nouvelle hausse des pass Navigo en janvier 2025 (le mensuel coûtera presque 90 balles le mois). Faire payer toujours plus, pour transporter les gens du dortoir au taff, à France Travail, à la CAF, et se faire un max de fric sur notre aliénation. La RATP, sait son manque à gagner avec la fraude, près de 170 millions d’euros par an, et elle ne veut pas s’y résoudre. Elle a décidé depuis bien longtemps de durcir le ton en tentant d’empêcher les combines et la solidarité : les déclarations de fausse adresse/identité sont punies de peines d’emprisonnement et de fortes amendes, ainsi que les mutuelles de fraudeurs et les posts signalant la présence des contrôleurs, les lâches missions sous tenue civile sont autorisées.

Outre la chasse aux fraudeurs, ces entreprises collaborent tous les jours avec les flics, par leurs agents et leurs milliers de caméras, pour quantité de choses : pour suivre des camarades après les actions, pour affréter des transports pour le déplacement de sans-papiers, pour aider les keufs en cas d’actions dans le métros, pour réguler l’arrivée dans les manifs etc. Elles sont un des premiers chaînons dans le processus qui mène les sans-papiers aux CRAs, un contrôle au faciès pour billet manquant s’enchaînant très vite avec un contrôle d’identité et un petit appel complice à la police. Toujours plus de raisons pour s’en prendre à ces boîtes, qui ne nous laissent que le choix de se faire ponctionner soit par les automates, soit par les contrôleurs.

A Rennes, le 28 novembre, un contrôleur de bus de la STAR s’est fait composté par un individu refusant de lui présenter son titre de transport, qui lui a pété le nez ! Pas volé ! Les contrôleurs de la STAR ont exercé leur droit de retrait le lendemain : s’ils pouvaient le déclarer tous les jours, ça nous irait bien. Mais il ne tient qu’à nous de créer les conditions propices à la dégradation de leurs « conditions de travail », au point où ils ne voudront plus pointer le bout de leur nez cassé dehors.

En 2007, à Gare du Nord, un fraudeur réagit violemment à un contrôle. Quelques minutes après, plus de 300 personnes éclatent les distributeurs et les vitrines, se servent dans les magasins de la galerie marchande, allument des feux et s’affrontent avec les keufs jusque tard dans la soirée en leur balançant poubelles et énormes pots de fleurs jonchant les couloirs de la gare, bloquant le trafic pendant plusieurs heures par la même occasion.
Organisons-nous pour faire échouer leurs contrôles et prenons à parti ces chiens de garde du Capital et de l’État pour pourquoi pas, créer une émeute et enfin faire vivre par le geste le désir de vengeance que nous ressentons dans nos tripes quand nous apercevons, au bout du couloir, une nouvelle ligne d’uniformes prête à procéder à un énième racket.

Solidarité avec Yacine ! Ils veulent faire la guerre aux pauvres : ils l’auront !