Politesse Buro

On observe, ces derniers temps, lorsqu’un conflit éclate dans les milieux militants, que la focalisation se fait principalement sur le comportement des uns et des autres, et moins sur la confrontation entre les différentes idées qui se joue à l’occasion. La question est bien plus souvent comment s’est « comportée » telle ou telle personne, quelle impression ce comportement a fait aux participants et aux observateurs de la dite « embrouille ». À partir de cela, il devient souvent difficile de comprendre les désaccords pour ce qu’ils sont le plus souvent : des désaccords de fond. On reste en surface, par souci d’un certain confort, et on trace une limite entre les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas.
Mais un problème se pose alors, que l’on pourrait se poser sous différentes formes : veut-on s’organiser plutôt avec des personnes bien élevées ou plutôt avec celles avec qui on aurait une perspective commune ? Les comportements déterminent-ils un accord politique ? Affirmer un désaccord, est-ce fondamentalement méchant ou malveillant (ou pire, « relou ») ? Et surtout, peut-on considérer que si quelqu’un est « gentil », qu’il semble avoir un comportement « acceptable », c’est qu’au fond, on est probablement d’accord, il n’y a pas besoin de prendre la peine de creuser plus que ça ?
Parce que creuser plus que ça, c’est se risquer à découvrir un désaccord, et à devoir l’affirmer. C’est donc se risquer au conflit. Et le conflit ça fait peur, d’autant plus quand ça fait longtemps qu’on fait des choses ensemble sans se poser de questions, ça peut faire tomber de haut, en fonction de l’ampleur des désaccords.
Mais ne pas creuser plus que ça, c’est risquer bien pire. Au-delà du problème évident de se retrouver à lutter côte à côte avec des gens qui auraient des perspectives contradictoires aux nôtres, on manque avant tout la richesse des débats contradictoires, l’intérêt de ce que l’on peut penser, chacun mais aussi ensemble, et ce que l’on peut faire à partir de ces réflexions. Si le fond des débats se retrouve lissé par sa forme, alors comment pouvons-nous imaginer faire rupture avec le système que nous voulons détruire ?
La vivacité des mouvements sociaux réside dans l’accentuation de leurs conflits, de l’intérieur vers l’extérieur, et leur éternelle défaite se trouve dans leur systématique pacification.
Par quelle magie le mouvement révolutionnaire ferait-il exception à cette règle ?
À bas les bonnes manières !