RÉPONSE ANACHRONIQUE À UN FOSSOYEUR DE LA COMMUNE

Vive les pétroleuses !

À propos des destructions par le feu durant la Commune de Paris des archives des registres paroissiaux et d’état civil, l’archiviste Auguste Jal écrit en 1872, dans son Dictionnaire critique de biographie et d’histoire :
« Si je prévoyais les révolutions, si je pensais qu’on pourrait revoir la terreur, je ne prévoyais pas qu’on s’attaquerait à d’innocents recueils de documents où le pauvre, le roturier, l’artiste, l’artisan, sont côte à côte avec le riche, le noble, le partisan, le ministre, le prince. »
Évidemment qu’un connard comme toi (qui n’a eu dans ta vie que pour seule obsession de devenir soldat et qui, ayant échoué, a trouvé bon de dédier sa vie au bon fonctionnement de l’appareil d’État en se retrouvant à fouiner dans les archives de la Marine nationale) ne comprends rien à ces destructions. Ton seul imaginaire de la révolution, c’est la Terreur, c’est-à-dire ce qu’il y a parmi toutes les choses que peuvent enfanter d’une révolution, de plus autoritaire, de plus judiciaire, de plus sanglant, de plus étatique. Non, il n’y a pas une égalité du noble avec le roturier dans (ni par) ces documents.
Tu aurais préféré que les communards et les communardes se laissent crever au nom de « l’unité nationale » et du « salut public » ? Bien sûr qu’ils se sont battus. Lorsque le 21 mai 1871, les troupes versaillaises dirigées par Adolphe Thiers rentrent dans Paris pour réprimer cette insurrection qui durait depuis 2 mois, l’ordre est donné de tirer sur les communards.
Certains monuments et maisons ont été brûlés intentionnellement pour retarder l’avancée des troupes versaillaises. D’autres incendies ont été déclenchés par les canons versaillais qui crachaient de tous leurs feux sur les communards. Mais ce serait à la fois faux et terrible de dire que des bâtiments comme le Palais de Justice, la Préfecture de Police, l’Hôtel de Ville ou encore la Cour de Cassation seraient partis en fumée par erreur dans le chaos des combats. Ce sont bien des communards qui ont mis du pétrole et des barils de poudre pour aider le feu à se propager. Il n’y a pas, comme tu le prétends de dossiers qui recensent une population qui soient « innocents ». Cela témoigne juste d’une confiance aveugle en l’État digne d’un scribouilleur appointé tel que toi. Tous les pouvoirs, de la monarchie à la république, en passant par l’empire, ont recours à la justice, à la police, au fichage. C’est peut-être un des seuls domaines où il y a, dans l’histoire humaine, un progrès ininterrompu. Tous les régimes qui accèdent au pouvoir utilisent les fiches précédentes pour mieux régner. Tant que l’État survit aux révolutions, il y a une continuité administrative. Les registres d’état civil et paroissiaux, qui indiquent les naissances, les mariages, les décès, ne sont qu’un premier pas vers la création des passeports, de la carte d’identité. Ils sont une base nécessaire à la mise en place des frontières, de l’armée (pas de conscription sans recensement), de l’impôt, de la propriété privée (notamment via l’héritage).
Le bertillonnage, qui s’est développé à Paris quelques années après la Commune, à partir 1879, n’hésite pas à utiliser la technologie, assez récente, de la photographie, pour améliorer ses fiches d’identité, notamment pour lutter contre les offensives anarchistes de la fin du siècle. Mensuration des corps des criminels, photographies de face et de profil. En 1898, a lieu en Italie la Conférence internationale de Rome pour la défense sociale contre les anarchistes, futur Interpol, qui veut développer la collaboration entre les polices des différents États. Les livrets d’ouvriers, le carnet anthropométrique, le livret de circulation, etc. Tout semble suivre la même voie, un document, d’abord exceptionnel, aux limites d’utilisations, avec le temps se généralise, se croise avec d’autres fichiers, et devient obligatoire.
Qui sait ce que les communards (parfois anonymes et qui ont réussi à échapper à l’exécution sommaire, à la condamnation à mort ou à la déportation) avaient en tête au moment de mettre le feu à ces lieux ? Peut-être ces incendies étaient-ils moins dus à des circonstances extérieures qu’à la volonté mûrement réfléchie de mettre des bâtons dans les roues de la répression qui, au nom de la 3ème République, allait bientôt s’abattre sur eux.
Dans les années qui suivirent la Commune, des débats nécessaires et conflictuels, entre marxistes et anarchistes, réfléchissent à cette tentative de révolution, et les anarchistes critiquent la volonté de certains marxistes de prise de pouvoir. Le pouvoir est maudit ! Il ne s’agit pas de le conquérir, mais de le détruire. Tu n’as pas participé à tous ces débats fondamentaux de la fin du 19ème siècle, tu es passé complètement à côté. Tu as préféré cracher sur les communards, leur sang pas encore séché, pour servir de la bouillie de justification intellectuelle à leur répression.
Les communards qui ont brûlé ces bâtiments ont frappé juste. Nous aurions même besoin aujourd’hui de davantage de pétrole pour s’assurer de la disparition définitive des locaux qui abritent les serveurs qui stockent les fichiers déjà innombrables et qui ne cessent de se multiplier encore : empreintes (FAED), ADN (FNAEG), fiches S, passeports, carte d’identité, carte vitale, TAJ, Fichier des personnes recherchées (FPR), GendNotes, etc. Qu’ils soient dédiés à la surveillance, à l’enquête judiciaire ou à l’administration, l’objectif de ces fichiers est toujours la sûreté de l’État et son bon fonctionnement, la paix sociale.
Solidarité avec les incendiaires de tous lieux et de toutes les époques ! Ressuscitons les pétroleuses !

Contre l’identité

Pour tout ce qui s’est perdu depuis l’avant du toujours, qui n’a pas trouvé le bon chemin, qui n’a pas brillé, ce qui est resté terne et banal, qui s’est égratigné sans fin contre des murs sombres et uniformes, pour ce qui n’a pas compris, qui n’a pas trouvé le Sens, la Parole ou le Discours, ce qui s’est trompé, qui s’est envolé très très loin, là-bas où personne jamais n’est allé
Pour ce qui est laid, ce qui crie, ce qui a mal et qui a honte, pour ce qui est très très moche, ce qui hurle, ce qui étouffe, pour ce qui est condamné d’avance à l’asphyxie, pour ce qui meurt à l’infini
Pour cela même pris par toutes les maladies, pour cela fou qu’on emprisonne, pour les humanités qui ne rencontreront que la roche et qui s’effritent contre des vides gigantesques, pour ces humanités que jamais l’on rencontre
Pour cela qui a faim, ce qui n’existe que de sa soif, ce qui pleure et s’épuise, ce qui coule dans le travail et dans les forteresses du capital, ce qui s’éteint dans le désespoir et la tristesse, cela qui jamais vit
Pour tout ce qui n’a ni pays ni nom ni quoique ce soit
Pour ce qui n’existe que de sa maladie, de son rien, de son vide
Pour ce qui stagne dans des sphères vaseuses, pour ce qui naît sans bruit, qui naît à peine, ce qui s’effondre à l’idée d’être, ce qui n’est que mouvement, qui est un tout de rien, un rien de tout, ce qui ne se dit pas, ce qui ne se dira pas, qui ne cherche ni ne possède les mots, ce qui n’a pas l’idée qui n’a pas d’idée, ce qui fait l’expérience du rien, que du vide, qui n’est habité que de sa douleur
Pour ce qui déborde, ce qui dépasse, ce qui surpasse, ce qui explose avant de n-être, ce qui passe sans rester, ce qui advient sans stagner, ce qui s’allume, ce qui rigole à perpétuité, ce qui éclate sans fin d’absurdité
Pour tout ce qui s’écroule à l’idée d’être, pour ce qui meurt avant même l’identité
Pour ce qui se réveille depuis des siècles dans une nuit qui dure depuis toujours
Pour tout ce qui jamais n’est et jamais ne sera

Stigmate et selfie

Texte reçu par mail

«Quiconque aura été condamné à l’une des peines des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés à temps ou de la réclusion, avant de subir sa peine, sera attaché au carcan sur la place publique : il y demeurera exposé aux regards du peuple durant une heure ; au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractères gros et lisibles, ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation.»
Article 22 du Code Pénal de 1810

-Chapeaux bas ! chapeaux bas ! criaient mille bouches ensemble. Comme pour le roi.
Alors j’ai ri horriblement aussi, moi, et j’ai dit au prêtre :
– Eux les chapeaux, moi la tête.
Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné

À chaque fait divers affreux, à partir du moment où il est relayé par les médias de grande écoute, s’accroche une cacophonie d’opinions ressentimenteuses et c’est comme ça, entre autres, que la Réaction refait salement le monde. Le meurtre récent de la petite fille prénommée Lola offre ainsi une occasion dont beaucoup se sont saisi, d’éructer autour du fantasme des étrangers forcément criminels, et du rétablissement nécessaire de la peine de mort, parce que, quand même, on va pas non plus dérouler un tapis rouge à sa meurtrière, ni la laisser manger tranquillement des salsifis derrière les barreaux pour le restant de ses jours, ou, pire encore, se la couler douce dans une unité carcérale psychiatrique où, sous prétexte qu’elle serait folle (ou simulerait la folie, ils sont pas si fous que ça les fous, tous des profiteurs), on lui permettrait d’échapper au tribunal en la considérant comme irresponsable selon une loi hasbeen, puisqu’aujourd’hui on doit vivre avec son temps où Gérard et Véronique veulent (puisqu’Hanouna nous le dit) que les fous et les étrangers, on les bute direct. Le laxisme, les droits de la défense, l’irresponsabilité pénale, ça va bien 2 minutes et Gérard et Véronique en ont marre de se faire manger la laine sur le dos et assassiner leurs enfants.
À ce sketch misérable s’ajoute, dans cette histoire-là, dont la réalité est effectivement particulièrement épouvantable, une fascination-répulsion qui fait le buzz au café du coin et sur les réseaux sociaux, pour la « présumée coupable » comme Hanouna croit malin de la présenter, Dahbia B., jeune femme de 24 ans. Des images de Dahbia B. circulent, celles que la presse à sensation ou les enquêteurs du dimanche peuvent trouver, et, quoiqu’elles soient d’une extrême banalité, elles font scandale. On s’offusque de voir l’image de vidéosurveillance de Dahbia B. rentrant dans l’immeuble, ou les publications de son compte TikTok quelques jours avant le meurtre, et, s’en offusquant, on démultiplie encore la circulation de ces images sur lesquelles on voit… une jeune femme de 24 ans rentrer dans un immeuble ou faire un selfie à sa fenêtre. On voudrait se demander ici pourquoi ces images qui ne montrent rien d’autre que ce que ceux et celles qui s’en offusquent diffusent d’eux-mêmes tous les jours sur les réseaux sociaux, font scandale.
D’abord, on leur reproche sans doute leur normalité justement. On y cherche en vain le signe du crime qui va être commis, et, ne le trouvant évidemment pas, on invente que c’est encore pire, le signe est caché, quelle fourberie ! La frontière entre normalité et monstruosité se brouille : elle me ressemble et elle a commis un crime atroce, c’est insupportable. On la voudrait sans doute ricanant à la pensée de l’horreur qu’elle ne sait pas encore qu’elle va commettre, on lui en veut de ne pas se montrer avec des cornes poussant sur le crâne, ou des canines prêtes à rougir du sang de sa future victime. Mais non. Trois jours avant le meurtre, elle se prend en photo comme si de rien n’était. Ça se voit qu’on ne voit rien, et il faut qu’elle paye pour ça. Pour qui elle se prend ? À mort.
Cette fascination, qui se tient déjà sur le chemin du lynchage, n’est pas sans évoquer cette marque que l’Inquisition cherche sur le corps des sorcières, et qu’elle trouve immanquablement puisqu’elle doit y être. Elle est d’autant plus avérée qu’il n’y a rien à voir, puisqu’elle est en fait nulle part ailleurs que dans les yeux de celui qui regarde. Le corps observé, quel qu’il soit, montrera ce qu’il y a à montrer. C’est la même marque des sorcières qu’on cherche sur le visage de Dahbia B., dans la normalité de ses selfies, et qu’on va y trouver justement parce qu’il n’y a rien de spécial à y voir. C’est cette absence d’anomalie qui va devenir le signe de la bête, un surplus d’horreur, la preuve de sa culpabilité et de la nécessité d’aspirer à son exécution sommaire.
L’exhibition littéralement obscène de ces scènes banales qui affolent les regards n’a pas rien à voir avec l’ostentation du corps du Christ, de ses stigmates, corps banal, humain, qui prend sur lui tous les péchés du monde. C’est ce qu’on cherche un peu dans les selfies de Dahbia B., des stigmates, la trace visible de la noirceur présumée de son âme, dans l’espoir dérisoire de se retrouver soi-même innocenté par l’exposition à ces stigmates invisibles. C’est sans doute aussi pour ça que tout un chacun commente là où il n’y a rien à dire. Comme une communion, pour acheter son petit bout de paradis alors que Dahbia B., qui n’a pas d’ascendance divine (au contraire, elle n’est même pas d’ici !) ira en enfer, ça au moins c’est déjà gagné, il suffit d’y croire.
Ce visage apparemment insupportable à regarder, mais sur lequel se concentrent pourtant les regards (on le rappelle, il s’agit de quelqu’un qui n’a alors rien de spécial à montrer, puisqu’on est justement avant le meurtre…), c’est aussi le corps du condamné qu’on exhibe avant de l’exécuter, dans le carcan en place publique, ou sur la carriole traversant la foule venue assister à l’exécution. L’inverse du corps du Roi, montré comme apprêté, déifié, parfait. Un corps semblable à ceux qui le regardent, mais si différent cependant par ce qu’il a commis, qu’on reconnaît comme coupable en se reconnaissant comme innocent, et qu’on accompagne vers la guillotine. Cette apothéose spectaculaire de la culpabilité incarnée déchaîne des passions qui seront satisfaite par l’exécution ou le supplice, publiques aussi. Alors, de nos jours, si des formes de cette exhibition perdurent, à travers ces déchaînements passionnels invectivant le visage de la jeune fille qui ne montre pas assez qu’elle va commettre un meurtre atroce, la peine elle-même est cachée aux regards, derrière les hauts murs et les barreaux des prisons. Pas d’exutoire pour ces passions dégoûtantes, et le supplice reste un fantasme intériorisé par Gérard et Véronique devant leur poste de télé, et si bien relayé par Hanouna, qui a sans doute pris un café avec eux ce matin et qui sait qu’ils ont besoin pour survivre que Dahbia meure dans d’atroces souffrances au lieu de continuer à tuer leurs enfants après avoir souri sur un selfie.
Addendum : s’il était besoin d’une preuve supplémentaire de la nocivité des passions qu’agite Hanouna, le récent attentat visant les kurdes en fournit une. Il n’est pas absurde d’imaginer que l’auteur se soit abreuvé de l’émission TPMP et de la haine raciste et xénophobe qu’elle véhicule au point de former la « voix-off » même de son existence. À l’instar du personnage incarné par Philippe Nahon dans Seul contre tous de Gaspar Noé, il faut l’imaginer aller de-ci de-là en portant son racisme en étendard de la vraie justice, en ruminant une vengeance infinie contre une société gangrénée par la « racaille étrangère », celle-là même dont le tribunal obscène d’Hanouna construit l’image face caméra — une face, une caméra qu’il faut DÉTRUIRE.

Les prix flambent, les amendes pleuvent, et moi-même je ne me sens pas très bien…

On se prend des amendes à tour de bras. Tous les prétextes sont bons : rassemblement interdit, fraude des transports en commun, achat ou vente de clopes à la sauvette, condamnation en justice pour X ou Y faits… et notamment le refus de donner ses empreintes en garde à vue. Peu d’argent sur le compte en banque implique des situations de fraudes diverses qui font partie intégrante de nos quotidiens, et qui, trop souvent, se soldent par des amendes, ce qui n’arrange pas l’épaisseur du porte-monnaie.
Mais bordel, on essaierait de nous foutre au taff ou quoi ?
Cette méthode répressive, qui s’attaque aux mouvements sociaux (surtout depuis le mouvement des gilets jaunes) comme à la vie de tous les jours, est particulièrement fourbe : taper sur le compte en banque permet de frapper directement sur nos quotidiens en nous forçant à passer toujours plus de temps à nous faire exploiter, sous la menace de ne plus pouvoir payer son loyer. Alors, pour payer, on s’organise pour réunir de l’argent, on emprunte, on s’endette, on fait une croix sur tel ou tel projet coûteux, on se trouve un travail, ou alors on s’organise pour ne pas payer ce qui n’est vraiment pas beaucoup plus simple.
D’autant plus que la nouvelle loi ultra sécuritaire LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) prévoit d’étendre les amendes à plein de délits quotidiens : «vente à la sauvette, filouterie de carburant, tags, intrusion dans un établissement scolaire, atteintes à la circulation des trains, rodéos nautiques, striking -fait d’entrer sur un terrain de sport» et de rendre plus difficile leur contestation. Cette offensive de l’État contre tous ceux et toutes celles qui se révoltent contre lui ou essaient de survivre dans ce monde invivable est assez claire. L’État est en train de créer son monde de rêve, un monde sécuritaire, stérile, blindé de flics.
Partout l’étau se resserre, les prix augmentent, le nombre de flics dans les rues aussi, et tout nous indique le chemin d’une vie planifiée d’avance : le travail, le commissariat, le tribunal, la prison, le travail…
Mais notre vie est trop courte pour passer notre temps à réfléchir à comment payer des amendes, à comment payer un loyer. Partout, nous trimons et nous sommes enfermés ! Il est temps que cela s’arrête !
Occupons des bâtiments pour occuper notre temps et filoutons ce monde ! Nous n’avons qu’une hâte : envoyer valser tout ce merdier de bureaucratie capitaliste à coup de pavés et de cocktails molotovs, comme c’est le cas aujourd’hui en Iran, en Grèce et en Chine.

A Thessalonique, forte chaleur en décembre

Texte reçu par mail

À Thessalonique et en Grèce, ça sent le soufre depuis des semaines déjà.
En quelques jours, autour de fin novembre, deux importants squats établis depuis des années, le Prosfiyika à Athènes et le Nuevo Mundo à Thessalonique, ont été évacués par les flics, et le camp de migrants d’Eleonas à Athènes, le plus vieux de Grèce centrale, a été vidé de ses derniers occupants. Le week-end du 3-4 décembre, le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis annonce un bonus de 600 euros pour tous les policiers et les gardes-frontières grecs. Une récompense bien méritée pour ceux qui chassent les migrants, les repoussent aux frontières et les laissent se noyer dans la rivière Evros, ceux qui expulsent les squats et les campements de fortunes, ceux qui virent de chez eux les retraités qui ne peuvent plus payer leur loyer, ceux qui gèrent ces prisons à ciel ouvert que sont les camps de rétentions, ceux qui cherchent à écraser chaque réaction face à la misère et l’autoritarisme de l’État grec. Ces actions policière et ces manœuvres politiciennes décidées par le gouvernement ressemblent fort à une tentative d’accélération de destruction du mouvement contestataire grec et de garantie du support de la police, à l’heure où le parti conservateur nationaliste au pouvoir, Nouvelle Démocratie, semble plus que jamais fragilisé. De quoi en tout cas faire monter la tension autour du 6 décembre, moment auquel surviennent chaque année des affrontements entre manifestants et police grecque en raison de la mort à cette même date d’Alexandros Grigoropoulos, garçon de 15 ans tué en 2008 par la police dans le quartier d’Exarchia à Athènes. Ce jour qui vient est dans les têtes de tous ceux qui crachent sur ce monde de merde, et ces chiens de flics vont alors leur donner une raison de plus d’y prendre part.
Dans la nuit du 4 au 5 décembre 2022, les flics à moto de Thessalonique tirent sur Kostas Fragoulis, un jeune homme de 16 ans, au volant de sa voiture mise à l’arrêt au terme d’une course-poursuite. Depuis l’arrière du véhicule, une balle se loge dans sa tête et le laisse dans un état critique, dont l’issue est encore inconnue. Kostas Fragoulis est accusé d’avoir volé 20 euros d’essence dans une station-service de la ville et d’avoir refusé d’arrêter son véhicule à la demande de la police, après que celle-ci a été contactée par une balance de la station-service et l’ait pris en chasse. 1 balle dans la tête pour 20 balles dans le réservoir.
Quelques heures plus tard, le lundi 5 décembre en fin d’après-midi, à Thessalonique et à Athènes, des milliers de personnes se rassemblent pour réagir à la nouvelle d’un potentiel énième assassinat policier, faisant terriblement écho à celui d’Alexis Grigoroupoulos en 2008, qui avait déclenché une vague d’émeutes sans précédents à travers le pays. À Thessalonique, 1500 personnes créent une émeute dans le centre-ville. Plusieurs devantures sont brisées, les départs de feux se multiplient et les keufs reçoivent cocktails molotovs, bouteilles et pierres en nombre. Devant l’hôpital Hippocrate où a été interné Kostas Fragoulis, des affrontements se déclenchent entre les Roms, communauté dont fait partie le garçon touché, et les flics. À Exarchia, à Athènes, de nombreuses barricades sont érigées et des combats se déroulent jusqu’à tard dans la nuit contre la police.
Le lendemain, le mardi 6 décembre, alors que le flic accusé est au tribunal de Thessalonique, des dizaines de personnes s’y rendent et invectivent les policiers qui gardent l’entrée. Après quelques échauffourées, les porcs frappent le père de Kostas Fragoulis, venu manifester sa colère. Le gouvernement et l’hôpital Hippocrate de Thessalonique refusent aussi catégoriquement de communiquer sur l’état de santé du garçon, dont on sait juste qu’il est dans une situation critique, laissant présager une issue fatale.
À 18 heures à Thessalonique, au moins 5000 personnes se réunissent et marchent en l’honneur de la mémoire de Kostas et d’Alexis, sous le regard d’une lourde présence des “matatzides”, la police anti-émeute grecque. À la fin de la marche, une partie des participants se dirige furtivement vers Ano Poli, la ville haute de Thessalonique, alors que les flics attendent sagement sur la place Kamara pour les affrontements habituels. Le changement de tactique est efficace. En quelques minutes, le secteur autour de l’ambassade de Turquie est transformé en fournaise par les émeutiers. Les poubelles sont renversées et incendiées, les trottoirs martelés pour servir de projectiles et les keufs, surpris et postés plus bas dans la rue Olimpiados, se prennent une pluie intense de cocktails molotovs, de bouteilles, de mortiers et de pierres pendant de longues minutes. Les gaz lacrymos et les grenades assourdissantes ne peuvent rien y faire, la flicaille morfle face à la rapidité et à l’intensité des attaques. Ces salauds ne peuvent que se cacher dans les renfoncements des immeubles, alors que l’un d’entre eux se prend un cocktail de bienvenue en plein torse. Les fumées et les senteurs de plastique brûlé se propagent ensuite alors que les émeutiers se sont tous échappés par les ruelles étroites d’Ano Poli après y avoir clamé leur fureur par leurs actes et leurs cris. Au moment où j’écris ces lignes, aucun compagnon n’a semble-t-il été arrêté à Thessalonique. En une dizaine de minutes, le quartier a été retourné, ces sales flics en ont bavé, et Thessalonique ne m’a jamais paru aussi belle que ce soir du 6 décembre 2022.
Au même moment, à Athènes, les rues d’Exarchia et d’autres quartiers de la capitale s’embrasent aussi et les barricades et les échauffourées s’y multiplient. À Janina, la marche finit par un affrontement direct avec les flics. Pendant la nuit du 6 et le lendemain dans la journée, plus d’une dizaine d’endroits où vit la communauté Rom en Grèce sont le théâtre d’attaques contre la police, notamment à Menidi, où projectiles et molotovs sont aussi utilisés en guise de cadeaux aux autorités. Au terme de tous ces affrontements, plusieurs keufs finissent blessés dans différentes villes grecques, dans ce qui semble être les émeutes les plus violentes depuis 2008.
Au soir du 7 décembre, l’état de santé du jeune homme n’a pas encore été communiqué et les politiciens grecs commencent déjà leur travail de sape pour justifier l’ignominie. Qu’importe, les attaques contre les flics se poursuivent ce soir dans plusieurs villes grecques, à Menidi, Zefyri, Patras, ou Agrinio, où leurs véhicules sont pris pour cible. Espérons tous que Kostas survivra, et que les émeutes se poursuivront encore et encore.
En Grèce comme ailleurs, continuons d’être offensifs et de propager la révolte, pour que jamais les chiens de garde du pouvoir ne puissent dormir tranquille. Et pour cela, allumons les feux !

P.-S. : Le 13/12, l’hôpital a annoncé la mort de Kostas Fragoulis ! Vengeance !

Nous n’avons jamais été aussi vieux !

Jamais autant de temps ne s’est écoulé depuis la formation de l’univers. Jamais autant de temps ne s’est écoulé depuis nos naissances. Nous n’avons jamais été aussi vieux.
Nos morts, certaines, n’ont jamais été aussi proches de nous. La révolution, incertaine, qui renversera tout, où éclatera la vie, où s’ouvriront mille possibles, si elle existera, n’a jamais été aussi proche de nous.
Nos vies ne peuvent que s’allonger, le temps passé dans la résignation ne reviendra jamais, ce sera à jamais un temps où l’on s’est tué au travail, où l’on s’est plié en quatre pour essayer de vivre dans un monde qui ne cherche qu’à nous rendre plus productifs. Nous n’avons pas tout notre temps à gâcher dans une mort lente dans ce monde.
Il y a une urgence quotidienne à tout envoyer chier. Il y a une urgence révolutionnaire.

Quelques gestes d’hygiène pour se protéger au comico : ne parlons pas aux flics, refusons la signalétique !

Récemment, la police s’est vue augmentée d’un nouveau moyen pour prélever les empreintes des gens lors des gardes à vue : une loi l’autorisant dans certains cas à exercer une contrainte physique pour effectuer la prise d’empreinte. Cette loi permet de généraliser le fichage des empreintes et d’éviter que les gens refusent de donner leur signalétique : une pratique répandue dans les milieux militants comme ailleurs. Nous avions consacré un article à cette question dans le numéro 3 de Mauvais Sang, disponible entre autres sur notre site internet (mauvaissang.noblogs.org). D’autres textes, facilement trouvables sur Internet, analysent le texte de loi ou font part d’expériences de prises d’empreintes forcées.


Une chose est essentielle à comprendre : la police n’a pas intérêt à réellement «forcer» la prise d’empreinte. Parce que prendre la main de quelqu’un qui résiste, lui ouvrir les doigts, appuyer sur l’encrier, et ensuite bien dérouler les doigts sur la pauvre feuille A4 fragile comme tout, c’est très facilement raté, mal fait, ou inexploitable. C’est pourquoi la police a en réalité besoin de notre pleine collaboration, qui, elle, peut être obtenue en amont sous la contrainte et qui est là pour faire peur, entre la menace physique et la menace judiciaire. L’objectif de la garde à vue n’est pas nouveau, c’est de faire mal et de faire peur, pour obtenir les aveux. Simplement ici, pas ceux de la bouche, mais ceux des doigts.
Il est donc essentiel de continuer à refuser de donner ses empreintes et son ADN en garde à vue, même si de nouvelles lois pèsent sur nous. C’est une pratique qui aide à se protéger individuellement et collectivement et qui ne doit pas être abandonnée. Cette loi de prise d’empreinte sous la contrainte fait peur, car elle est nouvelle et floue : nous tâtonnons, les flics aussi. Plein d’histoires autour de nous montrent bien qu’ils ont parfois la flemme de prendre les empreintes de force et se servent de cette menace pour faire avancer la procédure plus rapidement. Ça vaut toujours le coup de savoir jusqu’où ils peuvent aller, quitte à finir par les donner au dernier moment. Nous avons encore une marge de manœuvre. Le cirque des flics en garde à vue, c’est souvent de la posture pour faire asseoir leur autorité : du spectacle qui se dégonfle parfois rapidement, surtout quand l’ambiance dans les cellules est particulièrement combative. N’oublions jamais que les flics sont des gens très cons, et que leur taf, c’est quand même faire réchauffer du riz au micro-onde et porter des pantalons trop serrés.
Restons solidaires et continuons à maintenir une conflictualité, dans la rue, au comico, au tribunal !

Internationalisme et Intervention

Discussion autour du soulèvement en cours en Iran

Depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre dernier, des insurrections éclatent un peu partout en Iran. Ces soulèvements, par leur intensité, ont ouvert une brèche de possibilités dans le quotidien de milliers de personnes qui subissent le poids d’un régime théocratique.
Pourtant, en France, rares et timides ont été les manifestations et actions en solidarité avec ces révoltes porteuses d’espoir. Le manque de lien et de solidarités internationalistes nous pèse tous plus que jamais.
Suite à ce constat, le journal d’agitation révolutionnaire Mauvais Sang invite à une discussion publique autour des soulèvements en Iran. Le but serait non seulement de partager des informations, des idées, des analyses de la situation actuelle qui ouvrent beaucoup de questions, mais aussi de réfléchir concrètement et activement à comment intervenir, comment lutter avec des révoltés et des révolutionnaires qui sont loins géographiquement, mais avec qui nous partageons pourtant des aspirations communes.
Un texte est dédié à ce sujet dans le numéro 04 de Mauvais Sang, qui peut servir d’outil d’amorce à la réflexion en amont de la discussion.
Soyons à la hauteur de ce qu’ont ouvert comme possibilités ces femmes qui ont osé affronter l’autorité de la police des mœurs au prix de leur liberté et parfois de leur vie – à la hauteur de ces prisons qui brûlent, de cette rage que l’on voit partout depuis septembre !
Vive la révolution internationale, sans
dictateur ni président !

Le jeudi 1er décembre 2022 à 19h à la bibliothèque des Fleurs Arctiques (45 rue du Pré Saint-Gervais, Métro Place des Fêtes).

Mauvais Sang numéro 4 / Pour un avenir ingérable !

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Le temps où les différents chefs d’Etat, d’entreprises et de partis promettaient un capitalisme de croissance et de progrès social et technique pour justifier l’exploitation sordide de nos existences semble à présent révolu. Inflation, crise, pénurie, restrictions et sobriété sont les nouveaux mots d’ordre pour conjurer tout avenir qui bifurquerait de la route déjà tracée par la bourgeoisie : celle de la production incessante d’un monde autoritaire et marchand. Désormais le capitalisme se justifie à l’aune de la catastrophe permanente qu’il faudrait éviter, tous ensemble, avec patriotisme et soumission. Ainsi, le 5 septembre, Macron a fait un copier/coller de la gestion de crise sanitaire pour démarrer en bruit la gestion de crise énergétique. Virus ou gaz, du point de vue inhumain du capital, c’est du pareil au même : du risque, du chiffre, des stats, de la population et un même impératif, celui de faire perdurer dans la pacification et la résignation les institutions économiques et politiques. L’hiver va être dur, chers compatriotes ! Maintenant qu’il est devenu «normal» de transmettre le covid, d’en souffrir voire d’en crever, les points technocrates hebdomadaires ne porteront plus sur cette pandémie faussement conjurée, mais sur cette crise énergétique qui tracasse davantage le gouvernement. En effet, la raréfaction des énergies et l’augmentation de leurs prix causent leurs lots de soucis au capital lorsqu’ils font irruption de manière ingérable : la contestation sociale pointe son nez, tel qu’actuellement dans de nombreux pays jusqu’aux frontières de la France, en Angleterre, et c’est cela qu’il s’agit avant tout d’éviter. Au travail ! Un petit chèque de cent balles en septembre pour faire copain copain. Dans le discours de Macron, c’est la COUPURE qu’il faut absolument éviter. La COUPURE, ce nouveau monstre qui doit s’agiter la nuit dans les esprits anticipateurs des technocrates, remplace ainsi le «confinement général» qui jouait le même rôle de risque suprême fut un temps, car les deux formes de gestion ont en commun d’apparaître à un moment T comme le dernier des derniers outils étatiques, qui entraînent leurs lots de complexités tels qu’un changement brusque et soudain dans le quotidien, propices à de l’immaîtrisable. Alors pour éviter ce grand inconnu gestionnaire, le Risque Suprême de notre hiver, il s’agit de construire une peur tout autour – nous sommes en guerre ! Mobilisation générale ! Sauvons la Fée Electricité ! – qui n’a pour seule solution que de nous conduire de plans de restrictions en plans de restrictions. Derrière l’argumentaire «Si tout le monde baisse volontairement sa conso d’énergie, on évitera la phase contrainte», le gouvernement prépare déjà ses possibilités gestionnaires. Comme cela avait été le cas après les explosions de cas de covid suite aux rentrées scolaires et aux retours au travail, le gouvernement pourra expliquer, lors d’une phase 2 qui aura son lot de nouvelles contraintes et d’autoritarisme, que c’est la faute des concitoyens aux mauvaises manières, qui n’auront pas suffisamment pratiqué les mots d’ordre de la «sobriété volontaire». Comme en Angleterre, va-t-on nous inciter à travers les journaux à cuisiner au micro-onde plutôt qu’au four ? Miam. Avec cette nouvelle gestion de crise, l’Etat tente encore une fois d’embourgeoiser les consciences malheureuses pour que chacun, même dans la pire situation matérielle, se sente investi d’une haute mission morale : celle de COMPTER, de pratiquer au niveau individuel la petite rentabilisation, la petite joie malsaine de se comporter dans la vie comme un compteur linky (et peut-être de dénoncer son voisin qui prend trop de bains ?). Tout irait tellement mieux si tous les êtres humains, dès l’enfance, se comportaient dans la vie comme des participants à un grand jeu de gestion dont ils ne sont évidemment pas les héros, mais les tous petits rouages bien soumis !
Mais voilà, cette moralité de petit comptable nous donne la gerbe, et l’envie de mettre l’économie à sac ne cesse de croître, pour un avenir totalement ingérable !
Nique l’Etat, nique EDF, nique les micro-ondes et toute la bourgeoisie qui facture nos vies.
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Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme

Rentrée des fous

Les syndicats, lécheurs de botte du pouvoir dans absolument tous les pays, n’ont pas hésité une seule seconde en Angleterre à s’aplatir devant la mort d’une vieille bigote chrétienne du nom d’Elizabeth II, alors qu’ils étaient en pleine grève massive depuis la fin du mois d’août. Hop hop hop, deuil national, comme si les révoltes qui grondent contre le coût de la vie devenu insoutenable devaient s’arrêter devant le seuil du pouvoir et de la royauté pour permettre de grands banquets paisibles aux héritiers du Vieux Monde et de l’ordre pourri. Mort au roi, mort à la reine, mort aux capitalistes et puis surtout, mort aux syndicats, qui n’auront pas hésité à appeler à la lâche trêve. On espère bien que la lutte outre-manche contre la vie chère et misérable ne va pas aller en s’arrangeant, et qu’elle aura tôt fait de menacer de s’étendre, et peut-être même, de dégénérer…
Avant de larmoyer « La paix sociale sous deuil national est de retour ! », le secrétaire général du syndicat Maritime and Transport déclarait « La classe ouvrière est de retour ! ».
A-t-elle un jour disparu ? Le prolétariat se constitue dans la lutte. A-t-il jamais cessé de trimer, de lutter ? Pour que la lutte s’approfondisse, il est plus que vital que ce mouvement social déborde et échappe aux logiques de l’organisation syndicale !
Vite, que le règne de Charles III et de ses amis les syndicats se termine sous les feux de la lutte !
Moi aussi, j’ai bien envie de ne pas aller à l’école, de ne pas aller travailler, de ne pas payer de loyer, de ne pas payer mes factures, de ne plus rien payer du tout. La vie est trop courte pour baisser ma lourde tête devant la lourde bêtise des professeurs et des patrons. À la rentrée, je veux faire la sauvageonne dans la rue, et comme il me plaira, n’en déplaise aux syndicats qui, toujours, encadrent, empêchent, négocient.
Ne travaillons plus, ne payons plus : dans la rue ! La vie est trop courte !

OUI ! OUI ! Une rentrée des fous, s’il vous plaît
Il y en a marre de la rentrée des classes. Voilà l’autoproclamation de la création d’un autre temps, qui ne soit ni celui de l’école, ni celui du travail, mais celui des manifs ! L’autoproclamation des temps des révoltes et des sorties des classes. Pour que toutes les voix cassées par le capitalisme, par les autorités et les élites, sortent des bancs des classes bien rangées !
Pour la sortie des classes, de toutes les classes, sociales, scolaires, biologiques et pour la rentrée des fous-les !
Cette année à la rentrée, c’est non aux maîtres, aux bienfaiteurs, aux protecteurs, aux autorités, aux dictateurs de la bonne pensance, à l’apprentissage forcené et aliénant et surtout non aux leçons longues et infernales qui se répètent et qui donnent la nausée. Voilà l’autoproclamation d’une rentrée de l’assemblage des forces en lutte et de l’accouchement d’émancipations nouvelles.
Contre les savoirs qui s’accumulent et qui pourrissent dans les universités, les écoles et les lycées. Tous les savoirs vides et poussiéreux qu’on apprend par cœur sans bien savoir pourquoi. Mais aussi tous les cachets qu’on va prendre pour oublier la routine étouffante, le conditionnement organisé qui nous envoie la tête baissée au métro, au travail, qui nous vident la tête et le corps, qui vident de tout rayon de joie et tout rayon de vie.
A la rentrée, je dirai non avec la tête, je ne parlerai pas d’autre langue que celle de Prévert !
Déjà marre des demis dieux de profs qui ne font que s’écouter parler. Déjà marre du travail, de la machine à café, des bibliothèques. Marre par avance des employeurs, des mêmes gestes, de toutes ces semaines à venir de trajets répétés, des compétitions pour la meilleure note ou pour le meilleur poste. Nous voulons la création d’un autre temps, qui ne soit ni celui de l’école, ni celui du travail mais celui des manifs, des ag et de la rue, le temps marqué par toutes les grèves et tous les incendies possibles ! Ce qu’il reste de vie, en classe, ou au travail : reprenons les ! Ce qu’il reste de rentrée, ce qu’il reste de vie, n’est que lutte, n’est que révolte !

« On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail – c’est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir – que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but minime et accorde des satisfactions faciles et régulières. Ainsi, une société où l’on travaille sans cesse durement, jouira d’une plus grande sécurité : et c’est la sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême ».
Nietzsche