Organisations, mouvement et légalité

Alors que l’occupation de la Sorbonne par des centaines de personnes – étudiants comme lycéens, chômeurs ou autres – trois jours après les résultats du premier tour de l’élection présidentielle offrant le match retour du duel Macron – Le Pen a été largement spontanée et a réuni de nombreux autonomes, la suite du mouvement a souligné avec puissance l’inertie des organisations politiques et syndicales se réclamant de la gauche, voire de l’extrême-gauche et même prétendument révolutionnaire. L’AG inter-université organisée à Nanterre à la suite de l’évacuation policière de la Sorbonne a ainsi été une caricature en acte. Les militants locaux du NPA et de l’UNEF, jugeant gracieusement accueillir des éléments extérieurs, ont tenté d’imposer une tribune composée majoritairement voire exclusivement de leurs membres et, à la suite du vote collectif défavorable à la tribune elle-même, s’arrogèrent quand bien même le monopole du mégaphone ! Se succédant dans les prises de parole, ces militants de la révolution autoritaire raisonnants se voulurent montrer seuls raisonnables : des grandes démonstrations inutiles au regard du profil des participants sur le néolibéralisme autoritaire de Macron et le danger fasciste de Le Pen, pour opposer tacitement – curiosité pour des militants se prétendant marxistes et partisans de la dialectique..! – l’organisation de long terme, politiquement sérieuse, et l’aventurisme court-termiste. Résultat des courses ? Quelques heures de petits plaisirs sous les rayons du soleil ! Comme dirait l’autre, que demande le peuple… ?
Rebelote mercredi 20 avril à Jussieu où cette fois la tribune s’impose ! Généralité après généralité, quelques valeureux en recherche d’action émigrent sans illusions vers Aubervilliers et son campus Condorcet élitiste, sur-sécurisé et bunkerisé, n’étant bon qu’à faire grimper les prix de l’immobilier et repousser les pauvres plus loin de la capitale, pour rejoindre l’AG appelée par les étudiants de l’EHESS. Ô surprise ! Une grosse centaine de jeunes qui discutent dès le commencement de luttes immédiates et qui, fort logiquement, décident rapidement et à l’unanimité d’occuper le bâtiment. Les entrées bloquées et les nombreuses caméras couvertes de beaux jets de peinture, le lieu est à nous !
Au cours des trois jours d’appropriation collective de l’endroit, quelques membres de ces mêmes organisations qui venaient de freiner par leur mollesse, leur légalisme et la généralité de leurs discours le mouvement d’occupations naissant se rendirent sur les lieux du crime pour vitupérer dans leur coin plutôt que de participer à la fête contre le manque d’organisation de ces jeunes gauchistes romantiques et fantasmer sur leur rôle décisif à venir, comme toujours selon la vision léniniste, d’avant-garde autoproclamée du prolétariat. A l’arrivée, les organisations structurées ont soit brillé par leur absence (LFI/LO/CGT) soit par leur surplombement ridicule et néfaste pour le jeune mouvement balbutiant (NPA/UNEF).
Qui pour mener des modes d’action vivants et joyeux ? Les militants matrixés d’institutions embourbés dans le légalisme des tractages et porte-à-portes ressentant des frissons d’excitation devant l’interdit d’un simple collage semblent peu à même de réaliser cette tâche primordiale pour toute perspective révolutionnaire.
Contre l’inertie des appareils, célébrons la spontanéité organisée et autonome !