Auto-organisation et solidarité contre la machine à expulser

La lutte contre les frontières, du point de vue révolutionnaire, est une question centrale. La frontière est l’un des piliers de l’Etat qui fonde l’identité nationale, le peuple, l’armée.
Mais comment lutter contre une loi en dehors des échéances légales ? Les textes de lois ne s’appliquent pas par le simple fait d’exister sur le papier. Les juges condamnent en sachant qu’ils ne peuvent pas envoyer en prison de manière illimitée, les flics arrêtent en pensant au nombre de places dans leurs cellules de garde à vue, les profs savent qu’il n’y a pas plus de 4 coins dans une salle de classe. Pareil pour les CRA (centre de rétention administratif), pour les avions qui expulsent, pour les flics aux frontières, etc. Or, depuis des années, tous les gouvernements cherchent à augmenter le nombre de flics, le nombre de prisons, le nombre de CRA, dont une dizaine sont en construction en France en ce moment même. Il est donc urgent d’investir les luttes qui existent et existeront contre la construction de nouvelles taules, contre les rafles et les expulsions, contre les collabos qui balancent ou exploitent les sans-papiers.
Le 22 juin 2008, un incendie ravage le CRA de Vincennes, qui brûle plusieurs bâtiments, suite à une révolte de sans-papiers enfermés à l’intérieur. Après cet incendie qui, en plus d’avoir permis de nombreuses évasions, a fait fermer le CRA pour plusieurs mois, les rafles se sont faites moins courantes dans les rues de Paris, tout simplement parce qu’il n’y avait plus assez de places pour enfermer les gens avant de les expulser ! Par la suite, de 2008 à 2013, une lutte qui touche la France, mais aussi la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, voit la solidarité avec les sans-papiers grandir sous la forme de sabotage divers (DAB, voitures, agences cassées et taguées…), de manifs de soutien devant les CRA et de « balades » contre les collabos de la machine à expulser (banques, Croix-Rouge, BTP, intérims…) et d’occupations de bâtiments.
Cela s’inscrit dans une certaine histoire des luttes : quelques années auparavant, de 1996 à 2005, les aires autonomes s’auto-organisaient sur un même terrain de lutte que les collectifs de sans-papiers, sous forme de collectifs (Collectif Papiers Pour Tous en 1996 puis Collectifs Anti-Expulsions en 1998) et intervenaient de diverses manières contre l’enfermement et les expulsions de sans-papiers (campagnes d’attaques contre ceux qui participent à la machine à expulser, opposition à la construction de nouveaux CRA, interventions aux aéroports et dans les gares pour empêcher les expulsions).
Comme ces exemples le montrent, il est vital pour l’offensivité des luttes d’être capables de dépasser la position de « soutien » ou d’ « alliés » que d’aucuns voudraient faire la seule manière de lutter sur la question de l’enfermement et des expulsions de sans-papiers, une position qui ne mène au final qu’à l’attentisme et au paternalisme. Il est tout à fait possible, et essentiel, de s’auto-organiser en prenant en compte les différences de situation, qui concernent ici la détention des bons papiers ou non. L’autonomie et l’auto-organisation des sans-papiers se sont construites sans – et même contre – la gauche qui les infantilisait depuis des dizaines d’années… Que cette dernière reste à sa place naturelle et pitoyable, en « soutien », à la traîne des mouvements, à essayer de vendre sa soupe démocrate ! À nous révolutionnaires de nous organiser ensemble, pour être réellement solidaires des collectifs de sans-papiers, et lutter concrètement et offensivement contre la machine à expulser.