Enfumages et fumiers

Le récent mouvement européen des agriculteurs qui semble avoir pris fin, est apparu dans un contexte de recrudescence des forces d’intervention réactionnaires, face auxquelles la gauche et ses franges les plus radicales n’ont trouvé d’autre moyen de réagir que par la composition. Ainsi diverses propositions de la gauche et des aires subversives affirmaient que le mouvement des agriculteurs devait être rejoint, que ces derniers sont « nos camarades ». Camarades vraiment ? Car quand on regarde un peu ce qui peuplait ces divers blocages de routes et fumiers déversés, outre la FNSEA ce sont bien des exploitants agricoles qui étaient en colère et qui menaient toutes ces actions et non pas des ouvriers agricoles et autres saisonniers qui ont à endurer en plus d’un boulot mal payé, des patrons aux revendications qui posent question quand au fait de vouloir s’y rattacher (on rappellera que les agriculteurs mobilisés réclamaient pour la plupart la diminution des restrictions sur les pesticides et un assouplissement des charges patronales). Mais ça n’est pas tout, faisons un rapide point sur les modes d’actions qui ont existé au cours de ces quelques semaines de mobilisation agricole, car un point important se retrouvait presque systématiquement : le fait de s’attaquer aux produits étrangers. Des destructions de produits « non français » dans les supermarchés, mais aussi dans des camions arrêtés lors des blocages, notamment aux frontières, le tout sous la complicité et le regard amusé des flics et du pouvoir. Il ne fait aucun doute que rien dans ce mouvement de « travailleurs », de gens qui « eux travaillent » n’allait dans le sens de l’émancipation et d’une révolution anti-autoritaire. Plusieurs arnaques rhétoriques et théoriques ont été avancées pour crédibiliser une intervention. Premièrement, une rapide comparaison avec le mouvement des gilets jaunes a émergé, sur un thème, le fait qu’une partie des révolutionnaires portaient justement un discours critique vis-à-vis de ce mouvement, comme certains ont porté un regard critique au début des gilets jaunes. Or, il est vrai qu’au début des gilets jaunes une frange du mouvement était composée de petits patrons, de propriétaires terriens et autres exploiteurs et qu’une lutte a eu lieu au sein du mouvement contre cette frange là (qui s’est d’ailleurs retirée aussi en partie d’elle même car ce mouvement commençait par ces pratiques à être contre eux). La différence avec les agriculteurs, ou les bonnets rouges c’est que les conflits qui se sont opérés dans les gilets jaunes se sont exprimés dès le 17 novembre et avec une intensité accrue les 1 et le 8 décembre. A la différence des GJ, nous n’avons eu vent d’aucun conflit ayant eu lieu en interne qui pourrait faire penser à un dépassement du mouvement vers une remise en cause des ses bases conformes à la bonne marche du capitale. Deuxièmement, les gauchistes ont vu dans une maigre partie du mouvement, principalement représentée par la Confédération Paysanne, des revendications qui leur semblaient émancipatrices, notamment en raison de leur opposition au “néolibéralisme” et à la mondialisation. Pourtant, nous n’y voyons qu’un retour au localisme, au protectionnisme, ainsi qu’à la petite propriété et à une défense des petits exploitants face aux gros. Prendre parti dans des querelles entre petits et gros exploitants ne nous intéresse pas, nous voulons détruire l’exploitation dans son ensemble !

Il est plus qu’urgent d’être sans complaisance avec le chauvinisme et les revendications de frontières aujourd’hui !