Contre le travail, les équipements, la fabrication, les salles de détente et les réveils, contre le travail, les usines, et ceux qui les protègent, contre les architectes et leurs immenses bâtiments mornes, contre les métropoles pleines de sang et leurs égouts pourris, contre les directeurs d’hôpitaux et les conservateurs de musée, contre la grande Histoire et contre l’oubli, contre la lâcheté cynique des carriéristes du militantisme, contre la tyrannie assoiffée de toutes les idéologies identitaires, contre la pâleur des imaginaires sans rêves, contre tout imaginaire terne qui n’est pas le dépassement irréductible de ses propres frontières, contre toute vie qui n’est pas le renversement perpétuel de tous les sens.
« NOUS SOMMES JEUNES ET NOUS AVONS DES ARMES » Volodine.
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Samedi 26 mars 2022…
Samedi 26 mars 2022 Jean-Paul a été exécuté par des policiers à Sevran, alors qu’il conduisait une camionnette volée. Depuis maintenant 5 jours, des gens de Sevran, de Aulnay-sous-Bois et de Tremblay on décidé d’exprimer leur colère par le feu. 5 jours plus tard, déjà 3 personnes ont été placées en détention provisoire et plus d’une dizaine en garde-a-vue. La police tue, encore et encore, les voleurs, les rebelles, les pauvres, etc… Elle tue trop pour que nous puissions évoquer tous ceux qui ont succombé à leurs balles mais elle ne tuera jamais assez pour que, habitués à ces drames, nous les regardions faire sans rien dire. L’émeute est la seule réponse acceptable ! Pour que les policiers aient peur de faire leur sale travail, qu’ils renoncent à sortir leurs armes ou même à courir après quelqu’un, craignant d’entrainer des mois d’émeutes. Solidarité avec Jean-Paul et tous les inculpés.
À la mémoire de Stephane, SDF anti-flic exécuté a la Gare du Nord
Lundi 14 janvier 2022, 6h50 à Gare du Nord, dans Paris, Stéphane B. un SDF de 31 ans se fait abattre de 4 balles à bout portant par des flics de la sûreté ferroviaire. Il aurait attaqué avec une lame de 30 cm les 3 agents de la brigade. En regardant son compte Twitter, il est difficile d’imaginer que cela soit faux. Celui-ci exprimait son droit légal de tuer des policiers avec des raisonnements autant farfelus que touchants, évoquant le « droit constitutionnel de faire sécession » et donc le « droit légal de tuer des policiers français ». Les médias, qualifiant de lâche cette agression (attaquer avec une arme blanche 3 hommes armés de pistolets automatique, lâche ?…) osent se demander ce qui a poussé cet homme de 31 ans à s’en prendre aux policiers. Le harcèlement quotidien, les contrôles permanents, la misère, le mépris, le capitalisme le laissant hors de tout, etc. Toutes ces raisons que ces bourgeois, qui ne se sont toujours souciés que de grimper le plus haut possible dans l’échelle sociale, sont incapables de comprendre. La haine de la police existe et elle est sensée. Les keufs nous protègent ? Non, ils nous envoient en prison, nous frappent, nous font peur, nous tuent. Cette dernière action est un acte de guerre, désespéré, que personne n’ose défendre puisque Stéphane serait celui qui a attaqué en premier. Non, la police, par sa présence et son harcèlement quotidien, a attaqué la première. Ils pensent pouvoir faire ce qu’il leur plaît des gens ? Que personne ne réagira jamais ? Les émeutes de 2005, et toutes les autres ne leur ont pas laissé un goût assez amer dans la gueule ? Montrons leur que c’est faux, que nous ne subirons pas un mort de plus de la part de l’État et du Capital. Non, cet acte n’est pas lâche, le meurtre de l’assaillant l’est. Quatre balles ne désarment pas, ne neutralisent pas, ne protègent pas, elles tuent. C’est une exécution sommaire, qui aurait pu, même d’un point de vu de self-défense policier, être évité. Ils n’ont pas fait cet effort. En tout cas, ce n’était pas pour «protéger les voyageurs». C’est bien eux-mêmes qui était la cible de l’attaque, eux et tout ce qu’ils incarnent du fait de leur uniforme. Combien de noms allons-nous les laisser ajouter à la triste liste des morts de la police ? Zyed Benna, Bouna Traoré, Steve Maia Caniço, Adama Traoré, George Floyd, et des milliers d’autres. Seules des émeutes ne sachant rien faire d’autre que grandir apaiserait nos envies de vengeance et notre peine. Ni la Justice, ni l’IGPN n’ont jamais arrêté ni n’arrêterons jamais cette terrible réalité que sont les meurtres policiers, qui commencent lors du premier « contrôle de sécurité, mettez-vous sur le côté, on va procéder à une palpation » (- t’es qui, connard ?). Malheureusement, un SDF isolé, visiblement un peu ouf, ne retient pas l’attention des gauchistes qui ne s’en prennent à la police que si la victime est complètement innocente. Les coupables se font tuer, en prison, dans des courses poursuites, dans des cellules de garde-à-vue, dans des contrôles, etc., et c’est tout aussi regrettable et dégueulasse que lorsque ça touche des innocents. Chaque assassinat de la part d’une institution étatique devrait être un point de non-retour total quant à l’existence de l’État. Darmanin se permet de féliciter une exécution sommaire ? Où sommes nous, haineux de ce monde, si ce n’est en solidarité avec le désespéré qui sera mort dans l’indifférence générale et les pluies d’insultes des bourgeois et des fascistes qui, de nos vies, n’ont jamais rien compris. Finissons-en avec la police et l’État ! Qu’y a-t-il de mieux à faire ? Exploiter ? Se faire exploiter ? Tuer ? Se laisser tuer sans rien faire ? Le rêve révolutionnaire est-il trop loin ? Rapprochons-nous en, bordel ! Moins nous agissons, plus nous nous en éloignons. Qui nous a interdit à ce point de penser qu’il est possible de réaliser ses rêves et ses ambitions ? Ceux-là même qui nous font croire qu’il est possible de réaliser nos rêves et avoir de l’ambition, tant qu’ils sont capitalistes ? Depuis quand avons-nous accepté de ne pas mordre la main de celui qui nous nourrit ? Arrachons-lui le bras et dévorons-le. Leurs miettes ne nous intéressent pas, leur sécurité n’est que répression et angoisse. Luttons contre la peur de la répression : ne restons pas seuls. Pour des émeutes sans concessions avec la capacité de négociations d’une horde de zombies. Vive les rebelles, vive la liberté.
Faire-part de naissance d’un journal bâtard
Nous sommes heureux de vous annoncer, avec la parution de ce premier numéro, la naissance de Mauvais Sang, un journal dont la perspective est de contribuer à agiter le climat social, de participer activement à accentuer et vitaliser les différents conflits qui traversent notre époque, dans l’idée ambitieuse de nourrir des espoirs d’émeutes et d’insurrections et de contribuer à faire survivre et vivre l’histoire révolutionnaire.
Mauvais Sang, tout d’abord parce que la bonne marche de cette époque a cherché à annihiler tout espoir révolutionnaire, et veut nous faire gober que l’insurrection, comme le soulèvement, est impossible. Nous voulons imposer un contre-sens, ou un contre-rythme, une bifurcation, et emprunter le mauvais chemin, le mauvais sens, celui du conflit et de la révolution.
Mauvais Sang, parce que les discours identitaires pullulent à gauche comme à droite sous tous les horizons et sous toutes les bannières, que chacun cherche à vendre la pureté de son sang sur la place publique du marché capitaliste cannibale, et que nous ferons toujours partie des impurs, des bâtards, des traîtres-à-leurs-mondes, de la mauvaise herbe, du mauvais sang de la révolte.
Mauvais Sang parce que rien ne nous fait plus de soucis que l’absence de luttes, que la bonne marche de la société, que l’impuissance collective, que la disparition des enjeux révolutionnaires. Mauvais sang, parce que la peur de l’État pourrait bien être transformée en désir de sa destruction. Mauvais sang, pour que nos inquiétudes et nos soucis deviennent ceux des gestionnaires de ce monde.
Par ce journal agitateur, nous avons l’ambition de contribuer à une histoire, celle des luttes pour l’émancipation collective et pour la liberté. Nous sommes les enfants bâtards, monstrueux et impurs de l’anarchisme et du communisme, et nous n’avons d’autres préoccupations que celle, si loin et pourtant si proche, de la révolution mondiale.
Nous écrivons pour tenter de tenir une position à l’intérieur de notre temps afin de le regarder dans les yeux. Nous écrivons parce que nous pensons que la critique est un outil vivant. Que la théorie, la pensée, les idées, les mots, sont autre chose que des objets inertes de laboratoires ou de bibliothèques et qu’ils participent tous à nourrir et abreuver les rêves de ces fous que sont les révolutionnaires.
Nous n’avons ni l’envie ni la possibilité de nous adresser à une cible particulière, car nous ne sommes ni des politiciens, ni des commerçants. Nous écrirons, parlerons et critiquerons comme bon nous semble en nous adressant à qui voudra bien l’entendre et le lire, militant ou non. En réalité, nous cherchons à parler aux rêveurs, aux colériques, aux fous, aux hors-classes, aux pas-dans-les-clous, aux sans-rien-qui-veulent-tout, aux désespérés, à ceux qui espèrent encore. Contrairement aux populistes et aux sectaires, nous n’avons ni peur de nous adresser à des révolutionnaires ni peur de penser que n’importe qui peut l’être ou le devenir à sa manière.
Le journal paraîtra sous format papier tous les deux mois. Il sera distribué çà et là, aussi largement que nous le pourrons.
Il traitera d’ici, et aussi d’ailleurs, il parlera de maintenant, et aussi d’avant. Demandez Mauvais Sang, diffusez le, et parlons-en.
Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour des questions ou autres contributions.
Des statistiques qui puent la mort
A quoi la gestion de la pandémie nous habitue-t-elle ?
Depuis deux ans que la pandémie de Covid-19 dure en provoquant de nombreuses contagions, maladies, hospitalisations et décès, les différents gouvernements de la planète cherchent à gérer la circulation d’un tel virus à partir d’intérêts qui ne sont évidemment pas ceux des humains, mais ceux du capital et de la bonne poursuite des institutions existantes. Personne n’a intérêt à ce qu’une pandémie mondiale et meurtrière perdure, mais voilà : pour les États et les entreprises, il s’agit de raisons radicalement opposées à l’envie inaliénable de vivre, il s’agit d’avoir une batterie de travailleurs en bonne santé relative, dévoués lors d’une « crise sanitaro-économique » à ne pas désorganiser l’économie. Ce dont il s’agit, c’est de garder en vie le Capital.
Il n’y a jamais eu autant de contaminations en France (comme dans le reste du monde) qu’en cette période, cela dû au variant Omicron, et pourtant lundi 3 janvier 2022 les enfants sont retournés à l’école pour libérer du temps de travail à leurs parents, et les malades du covid n’ont plus qu’à s’isoler « 7 jours », voire 5, avant de retourner tous pimpants au travail. Quant aux enfants, c’est un test sur l’honneur qui les renvoie illico presto en classe. Désorganiser et détruire l’économie, refuser d’aller travailler, d’aller amocher sa santé comme depuis toujours au travail, serait une perspective hautement émancipatrice pour les uns et les autres qui n’ont, de toute façon, aucun profit à se faire, mais tout à perdre dans la continuation de semblables sociétés mortifères.
Plus que jamais, une émeute IRRÉPRESSIBLE mettant à bas tous les fondements du capitalisme et des États serait grande de vie, de désir et d’espoir en refusant la sordide accoutumance à des hôpitaux saturés (en plus de toutes les santés bousillées hors de l’hôpital, que ce soit suite au covid ou non, par un quotidien de jour en jour plus inhumain) et à tous ces risques mesurés-calculés-stratifiés par des bureaucrates intégralement constitués de chiffres.
Car la gestion de la pandémie par les États se creuse, s’affine, au fur et à mesure des études scientifiques, dans un sens qui n’est pas celui d’un dévouement pur à la grande cause de l’espèce humaine, mais dans celui d’une adaptation du capitalisme (et donc de tous les quotidiens pétris de ce système) à un virus parfois létal : en arriver, de statistiques en statistiques, de prédictions en prédictions, à un affreux quota de morts « tolérables » du point de vue du capital, ce qui se résume in fine à rendre le monde de plus en plus inhabitable à toute personne fragile et incapable de remplir un rôle d’esclave productif. L’évolution des formes de la maladie et des variants à l’échelle de toute la Terre étant cependant extrêmement complexe et immaîtrisable au long cours, la gestion ne peut en rester qu’à une course effrénée et insensée, réduite au court terme de l’économie, et qui s’empêtre entre discours et réalités.
Aucune mort enduite de statistiques, de prédiction et de calculs coûts-bénéfices ne sera jamais tolérable !
Contre ce déploiement au fil des semaines, des mois, des années d’une gestion du temps, de la vie et de la mort au service du capital, vive le déploiement d’un imaginaire ingérable, de corps épris de soin et de vie en révolte intégrale !
Le capitalisme vit sur notre dos, tuons-le !
À bas les statistiques et vive la vie !
Je monte, je valide
Mais qui est je ?
Je est une machine, qui parle comme si elle était moi
Mais qui suis-je ?
Je ne suis pas une machine
Alors pour exprimer cette négation, une solution :
Je ne monte pas, je ne valide pas
Mais ce faisant, je valide que si je monte, je valide, puisque pour ne pas valider je dois également ne pas monter
Je ne monte pas, je valide
Non, comment valider sans monter, ça n’a pas de sens, puisque je dois nécessairement monter pour pouvoir valider
Alors pour exprimer cette négation, une solution :
Je monte, je ne valide pas
Qu’il est terrible le train de la vie, que nous nous devons d’emprunter mais qu’il est si coûteux de payer et si coûteux de frauder.
Et où se dirige-t-il, et comment le faire dérailler, c’est encore un autre problème…
Soyons révolutionnaires
Nous croyons ici qu’aucune révolution n’existera s’il n’est des fous -des révolutionnaires- pour la porter. Plus loin encore, nous pensons qu’à l’intérieur même d’un processus révolutionnaire aucun dépassement émancipateur et anti-autoritaire ne pourra avoir lieu s’il n’est ces mêmes fous -ou d’autres- pour le provoquer et le faire.
Ceci est un parti-pris contre les idéologies de l’attente, celles qui soumettent la possibilité d’une fracture sociale et d’un dépassement à autre chose qu’à des personnes qui se révoltent. Qu’elles la soumettent à l’Histoire, à la répression, au facteur capital-travail, aux saisons, aux « peuples », au climat, etc, il s’agit toujours de faux espoirs et de résignations qui ne disent pas leurs noms.
Aucun conflit n’a jamais été simplement provoqué par la misère et l’exploitation, ils sont toujours le fait de gens qui agissent. Autrement dit, si nous ne faisons rien, rien n’existera et nous mourrons dans les poubelles de l’Histoire. Ceci fera sûrement peur aux théoriciens de l’attente, qui, se réfugiant derrière leurs idéologies messianiques ou apocalyptiques, se rassurent de l’inéluctabilité de l’effondrement du Capital et de l’État. C’est une croyance qui nous empêche de comprendre que nous devons tout faire ici et maintenant, qui empêche de comprendre que nous pouvons changer le monde. Cette pensée empêche l’espoir, le vrai, celui qui nous pousse à transformer la matérialité de nos existences. Cette idée est sans doute rendue possible par le fait que les forces révolutionnaires sont aujourd’hui faibles : incapables de s’organiser pour le dépassement des conflits et des mouvements sociaux. Pour l’instant.
Nous devons nous constituer en force, en rupture avec les Organisations, nous devons exister de manière autonome, avec tout l’espoir que nous portons, toute la fracture sociale que nous désirons et toute la puissance dont nous disposons. Nous devons sortir de la passivité, des problématiques morales et gestionnaires, du cynisme et de l’alternativisme. Pour cela, nous devons comprendre que si nous ne le faisons pas, rien n’existera, aucune révolution ne changera radicalement les choses et nous mourrons sans avoir vécu.
L’Histoire nous donne tort, nous la défions.
L’existant nous donne tort, nous le défions.
Rien n’est magie,
Rien n’est miracle,
Rien n’est évidence
ET TOUT EST POSSIBLE
Irréductibles traversées
Depuis le début de l’automne 2021, le gouvernement biélorusse a ouvert massivement l’accès à son territoire depuis des voies aériennes et légales : de nombreux visas touristiques ont été délivrés, et de nouvelles lignes aériennes, plus fréquentes – notamment depuis l’Irak, la Syrie et l’Afghanistan – ont été créées, accompagnées de campagnes de publicité. Cet afflux organisé de milliers de personnes a été encadré sur le territoire par l’armée biélorusse, s’appuyant cyniquement sur les volontés des uns et des autres d’émigrer vers l’Union Européenne pour concentrer en peu de temps une sorte de mouvement migratoire à l’assaut des frontières polonaises, lituaniennes et lettonnes. L’instrumentalisation par la Biélorussie de la force que déploient et déploieront sans cesse tous les mouvements de migration – aussi divers soient-ils – pour traverser, casser, enfreindre, faire tomber des frontières (à l’encontre de toute volonté étatique) est une riposte strictement géopolitique : la non-reconnaissance par l’UE de la réélection du président biélorusse Loukachenko et l’ensemble des sanctions économiques prononcées.
L’armée et la police polonaises ont été mobilisées en réaction sur toute la frontière de la Pologne, et l’État d’urgence a été décrété le 25 octobre. Depuis cela, personne, hormis les flics, les militaires et les riverains des localités frontalières, ne peut plus accéder à une vaste zone fortement contrôlée. Si même l’ONU ni MSF ne pouvaient, aux dernières nouvelles, y accéder, on comprend pourquoi les communications et informations sont plus maigres que jamais, un silence entourant depuis plusieurs mois ce cauchemar. Au moins 21 personnes seraient mortes dans les forêts frontalières, n’ayant pas réussi à atteindre le territoire polonais et refusant aussi d’être « raccompagnées » par l’armée polonaise jusque dans les bras de l’armée biélorusse, qui, quant à elle, a tabassé puis désormais parqué dans des hangars les reboutés de la traversée.
Le premier ministre polonais a été le premier à employer le terme militaire de « guerre hybride » impliquant des migrants utilisés comme « armes » par la Biélorussie, ce que le président du Conseil européen a poursuivi en déclarant que les Européens étaient confrontés à une « attaque hybride brutale ». C’est ce qui aura favorisé en ce début d’année 2022 la rapide commande d’un mur de béton long de 186 km en Pologne, afin de remplacer les actuelles clôtures barbelées. On n’arrête pas le progrès.
Si, en effet, il est évident que le gouvernement biélorusse a cyniquement instrumentalisé et encadré un flux de migrations dans une perspective d’offensive géopolitique, le mouvement en lui-même de passage de la frontière y est irréductible. À un certain point, la Biélorussie, et ce, comme n’importe quel État, ne fait que gérer, tenter de maîtriser un flux qui la dépasse et dont elle n’est pas le grand manitou organisateur – variation sur les mythes réduisant n’importe quel mouvement de révolte à une cause autre que la multitude de raisons de se révolter et, en l’occurrence, de vouloir quitter un endroit de la Terre. Les entrées illégales, véritables attaques contre la logique essentielle de l’État-nation (le contrôle et la maîtrise de son territoire borné) n’attendront jamais le feu vert des États (ce qui se résume souvent à attendre qu’il soit dans l’intérêt économique de certains exploiteurs d’embaucher des bras, triés et surveillés selon les critères mêmes du besoin d’exploitation).
Contre les projections étatiques (réduire des humains à des logiques d’État), les projections fascistes (voir la preuve d’un grand remplacement offensif) et les projections humanitaires (construire l’image du migrant victime, pantin des logiques d’État) qui ont en commun de parler la confusion, toute perspective sincèrement révolutionnaire sait combien son destin internationaliste est profondément lié aux révoltes multiples et permanentes contre l’existence de frontières.
Tant que des États se trouveront en travers de notre chemin, il faudra bien que nos pas de géants les envoient valdinguer loin, loin, loin dans l’univers jusqu’à ce qu’ils disparaissent à jamais de toute la surface de la Terre !
Politesse Buro
On observe, ces derniers temps, lorsqu’un conflit éclate dans les milieux militants, que la focalisation se fait principalement sur le comportement des uns et des autres, et moins sur la confrontation entre les différentes idées qui se joue à l’occasion. La question est bien plus souvent comment s’est « comportée » telle ou telle personne, quelle impression ce comportement a fait aux participants et aux observateurs de la dite « embrouille ». À partir de cela, il devient souvent difficile de comprendre les désaccords pour ce qu’ils sont le plus souvent : des désaccords de fond. On reste en surface, par souci d’un certain confort, et on trace une limite entre les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas.
Mais un problème se pose alors, que l’on pourrait se poser sous différentes formes : veut-on s’organiser plutôt avec des personnes bien élevées ou plutôt avec celles avec qui on aurait une perspective commune ? Les comportements déterminent-ils un accord politique ? Affirmer un désaccord, est-ce fondamentalement méchant ou malveillant (ou pire, « relou ») ? Et surtout, peut-on considérer que si quelqu’un est « gentil », qu’il semble avoir un comportement « acceptable », c’est qu’au fond, on est probablement d’accord, il n’y a pas besoin de prendre la peine de creuser plus que ça ?
Parce que creuser plus que ça, c’est se risquer à découvrir un désaccord, et à devoir l’affirmer. C’est donc se risquer au conflit. Et le conflit ça fait peur, d’autant plus quand ça fait longtemps qu’on fait des choses ensemble sans se poser de questions, ça peut faire tomber de haut, en fonction de l’ampleur des désaccords.
Mais ne pas creuser plus que ça, c’est risquer bien pire. Au-delà du problème évident de se retrouver à lutter côte à côte avec des gens qui auraient des perspectives contradictoires aux nôtres, on manque avant tout la richesse des débats contradictoires, l’intérêt de ce que l’on peut penser, chacun mais aussi ensemble, et ce que l’on peut faire à partir de ces réflexions. Si le fond des débats se retrouve lissé par sa forme, alors comment pouvons-nous imaginer faire rupture avec le système que nous voulons détruire ?
La vivacité des mouvements sociaux réside dans l’accentuation de leurs conflits, de l’intérieur vers l’extérieur, et leur éternelle défaite se trouve dans leur systématique pacification.
Par quelle magie le mouvement révolutionnaire ferait-il exception à cette règle ?
À bas les bonnes manières !
Quoi d’autre
L’humanité vit depuis si longtemps
Allons-nous simplement perpétuer le vide et continuer à regarder nos pieds dans la marche penaude de l’existence, ce vieil éléphant obèse et éternellement mourant qui avance obstinément là où les courants du temps le poussent ?
N’allons-nous donc rien faire naître ?
Camarades, n’allons-nous donc rien inventer ?
N’allons-nous pas faire partie des chimistes du réel, des génies du temps, des explorateurs de l’espace ?
N’allons-nous donc rien dépasser ?
N’allons-nous pas faire partie des forces qui se soulèvent, emportant le monde dans leur tourbillon ?
Quoi d’autre.