Contre l’identité

Pour tout ce qui s’est perdu depuis l’avant du toujours, qui n’a pas trouvé le bon chemin, qui n’a pas brillé, ce qui est resté terne et banal, qui s’est égratigné sans fin contre des murs sombres et uniformes, pour ce qui n’a pas compris, qui n’a pas trouvé le Sens, la Parole ou le Discours, ce qui s’est trompé, qui s’est envolé très très loin, là-bas où personne jamais n’est allé
Pour ce qui est laid, ce qui crie, ce qui a mal et qui a honte, pour ce qui est très très moche, ce qui hurle, ce qui étouffe, pour ce qui est condamné d’avance à l’asphyxie, pour ce qui meurt à l’infini
Pour cela même pris par toutes les maladies, pour cela fou qu’on emprisonne, pour les humanités qui ne rencontreront que la roche et qui s’effritent contre des vides gigantesques, pour ces humanités que jamais l’on rencontre
Pour cela qui a faim, ce qui n’existe que de sa soif, ce qui pleure et s’épuise, ce qui coule dans le travail et dans les forteresses du capital, ce qui s’éteint dans le désespoir et la tristesse, cela qui jamais vit
Pour tout ce qui n’a ni pays ni nom ni quoique ce soit
Pour ce qui n’existe que de sa maladie, de son rien, de son vide
Pour ce qui stagne dans des sphères vaseuses, pour ce qui naît sans bruit, qui naît à peine, ce qui s’effondre à l’idée d’être, ce qui n’est que mouvement, qui est un tout de rien, un rien de tout, ce qui ne se dit pas, ce qui ne se dira pas, qui ne cherche ni ne possède les mots, ce qui n’a pas l’idée qui n’a pas d’idée, ce qui fait l’expérience du rien, que du vide, qui n’est habité que de sa douleur
Pour ce qui déborde, ce qui dépasse, ce qui surpasse, ce qui explose avant de n-être, ce qui passe sans rester, ce qui advient sans stagner, ce qui s’allume, ce qui rigole à perpétuité, ce qui éclate sans fin d’absurdité
Pour tout ce qui s’écroule à l’idée d’être, pour ce qui meurt avant même l’identité
Pour ce qui se réveille depuis des siècles dans une nuit qui dure depuis toujours
Pour tout ce qui jamais n’est et jamais ne sera