Les casseuses sont des casseurs ! Et les casseurs sont des casseuses ! Les voleurs des voleuses et les voleuses des voleurs !

Dernièrement, dans un contexte d’occupation d’universités, nous avons cru entendre dans certaines réunions, que la casse, que les dégradations seraient exclusives aux “mascus”, aux “mecs-cis”. Comment ne pas penser que ce discours reproduit la détermination, voire la naturalisation de la violence comme étant masculine (et la douceur étant féminine ?). Au sein des mouvements sociaux, dans les luttes et les occupations (qu’il s’agisse de casse des machines à café, des vitrine de banques, de barricades enflammées…), la casse matérielle serait donc le propre exclusif des “mascus” !
Un tel lien présuppose que quand quelqu’un s’attaque à quelque chose, ce qui est important est le qui et non pas le quoi. Ce qui devrait nous intéresser devrait plutôt être à quoi cette personne s’attaque et non pas ce qu’elle est dans son essence, son identité.
D’autre part, une telle affirmation, un tel lien semble nier toutes les potentialités et les puissances de nos corps, de tous les corps, peu importe leur forme, leur couleur, qu’ils soient corps de femmes, de personnes intersexes ou de personnes trans, pour les figer dans un devenir victimaire absolu. Si nos corps sont opprimés, s’ils ont été écrasés, abîmés, détruits, nous pensons et nous éprouvons leur puissance dans la lutte. Nous croyons à nos corps (et non pas à nos “identités”), nos faisceaux de matières faits de pensées, d’intentions, nos corps qui prennent racine, qui appartiennent à une réalité sociale spoliatrice et agressive, nous croyons à nos corps comme potentiels et réserves de puissances de luttes, de casses, de révoltes infinies, d’émeutes enragées contre toutes les institutions qui garantissent la reproduction de ce monde, qui organisent collectivement la spoliation de notre autonomie et empêchent l’expression de nos individualités libres. Nous pensons, que nous tous qui nous opposons à l’appareil machinique de l’État, que nous ne saurions réduire et figer nos corps à des identités dites “naturelles”, mais bien les dépasser et les subvertir, nos corps comme ensemble et nos corps uns à uns, nos corps en mouvement, nos corps tremblants, nos corps chauds, nos corps vivants nos corps que l’on agi, nos corps avec lesquels et grâce auxquels on agit et que l’on met en mouvement contre les puissances de la mort, nos corps que l’on espère pas réduits à la manière dont ils ont été socialisés et éduqués, nos corps que l’on meut dans des devenirs et des singularités multiples.
Mettre une cagoule, s’habiller en noir, taguer, déchirer, crier casser, brûler : ce n’est pas devenir comme tout le monde, devenir invisible, égal en tous points aux autres cagoulés (même si ça l’est de manière externe pour nous solidariser face à l’appareil juridique et policier) mais c’est aussi s’organiser, se rassembler pour agir ensemble et faire l’épreuve, par notre chair, d’une organisation transversale – et cela peu importe que je sois femme, rat, bizarre, homme, dauhpin, trans, queer, que je sois d’ailleurs, que je sois d’ici ou de là-bas, que j’ai été socialisé comme un animal docile ou comme une brute sauvage, que mes parents soient policiers, chômeurs, juges, bourgeois, aristocrates ou bien prolos ! S’arracher au capital, s’arracher à l’État, s’arracher à toutes les violences devrait être l’affaire de tous ! Si se protéger et lutter contre l’appareil étatique et juridique, son ordre écrasant, étouffant – en noir, en vert, en rouge – si être porteur de conflictualités dynamitées, d’agitations vitales n’était l’apanage que des hommes ou des “mascus”, que ces forces violentes et libératrices leur était par avance et toujours d’emblée exclusivement assignées, que resterait-il alors de la puissance de subversion ? Cette puissance de subversion ne naît-elle pas et ne prend-t-elle pas toute sa force dans ce qu’elle a de plus universel ? C’est cette conception de l’universalité qu’il s’agit de définir : elle ne se comprend évidemment pas comme universel étatique – comme l’universel en tant qu’il est l’apanage de la majorité, comme état stable et identique garant de la conservation et de la reproduction de l’ordre social – et qui englobe des réalités en parvenant à effacer leur spécificités les rendant réductibles les unes aux autres – mais c’est bien d’une universalité concrète, qui s’ancre ici et maintenant, une universalité de tout un chacun, de toutes les minorités, des bizarres, des cagoulés et des découverts, des emprisonnés et des fous dont il s’agit ! Nous croyons que nous nous émanciperons que dans la lutte, que notre liberté ne s’agrandira et ne se déploiera que dans la violence joyeuse, dans la violence vitale, dans la casse comme cri de nos abîmés, de nos misérables, de nos étouffés, de nos morts et nos assassinés ! Que la casse est l’arme de tous, qu’elle est réappropriation, qu’elle est créatrice, qu’elle est pulsion, mais qu’elle est aussi un cri depuis le désespoir et qu’elle permet un espace pour rencontrer des camarades peu importe leur nom, leur sexe, leur origine.. Que la lutte ouvre un espace de liberté, un champ de possibles et de pluralités irréductibles aux espaces cloisonnés et fragmentés, repliés et mortifères du quotidien.

Signé des voleuses et des casseuses

Mort à la justice en tous temps et en tous lieux

Le 29 juin sera rendu le délibéré concernant la procédure d’extradition de dix militants italiens criminalisés depuis longtemps en Italie pour leur participation au vaste mouvement révolutionnaire des années 1970 et installés depuis plusieurs décennies en France par droit d’asile politique. Le site memoires-et-presences.fr tient informé du déroulé de la procédure judiciaire.
La répression des possibilités insurrectionnelles ouvertes en Italie, en Europe et dans le monde entier autour de 1968 s’active encore et voudrait sans doute extirper du passé tout ce qui s’est révolté contre les différentes formes d’autorité.
Il y a plein de manières de ne pas laisser dans l’ombre des tribunaux les dix audiencés, plein de manières de s’opposer au fonctionnement de la justice et de la police, de saboter la répression, mais une des plus belles formes de solidarité dont nous pouvons rêver est celle qui rendrait à nouveau si présente, commune et presque « banale » les insurrections révolutionnaires… A tel point que les magistrats, procureurs et flics de toute l’Union européenne auraient bien d’autres choses à faire que d’essayer de fossoyer tranquillement le passé des luttes… par exemple ils se soucieraient plutôt de fuir les flammes envahissant leurs derrières dans leurs sordides salles d’audience. Feu à tous les tribunaux !

Organisations, mouvement et légalité

Alors que l’occupation de la Sorbonne par des centaines de personnes – étudiants comme lycéens, chômeurs ou autres – trois jours après les résultats du premier tour de l’élection présidentielle offrant le match retour du duel Macron – Le Pen a été largement spontanée et a réuni de nombreux autonomes, la suite du mouvement a souligné avec puissance l’inertie des organisations politiques et syndicales se réclamant de la gauche, voire de l’extrême-gauche et même prétendument révolutionnaire. L’AG inter-université organisée à Nanterre à la suite de l’évacuation policière de la Sorbonne a ainsi été une caricature en acte. Les militants locaux du NPA et de l’UNEF, jugeant gracieusement accueillir des éléments extérieurs, ont tenté d’imposer une tribune composée majoritairement voire exclusivement de leurs membres et, à la suite du vote collectif défavorable à la tribune elle-même, s’arrogèrent quand bien même le monopole du mégaphone ! Se succédant dans les prises de parole, ces militants de la révolution autoritaire raisonnants se voulurent montrer seuls raisonnables : des grandes démonstrations inutiles au regard du profil des participants sur le néolibéralisme autoritaire de Macron et le danger fasciste de Le Pen, pour opposer tacitement – curiosité pour des militants se prétendant marxistes et partisans de la dialectique..! – l’organisation de long terme, politiquement sérieuse, et l’aventurisme court-termiste. Résultat des courses ? Quelques heures de petits plaisirs sous les rayons du soleil ! Comme dirait l’autre, que demande le peuple… ?
Rebelote mercredi 20 avril à Jussieu où cette fois la tribune s’impose ! Généralité après généralité, quelques valeureux en recherche d’action émigrent sans illusions vers Aubervilliers et son campus Condorcet élitiste, sur-sécurisé et bunkerisé, n’étant bon qu’à faire grimper les prix de l’immobilier et repousser les pauvres plus loin de la capitale, pour rejoindre l’AG appelée par les étudiants de l’EHESS. Ô surprise ! Une grosse centaine de jeunes qui discutent dès le commencement de luttes immédiates et qui, fort logiquement, décident rapidement et à l’unanimité d’occuper le bâtiment. Les entrées bloquées et les nombreuses caméras couvertes de beaux jets de peinture, le lieu est à nous !
Au cours des trois jours d’appropriation collective de l’endroit, quelques membres de ces mêmes organisations qui venaient de freiner par leur mollesse, leur légalisme et la généralité de leurs discours le mouvement d’occupations naissant se rendirent sur les lieux du crime pour vitupérer dans leur coin plutôt que de participer à la fête contre le manque d’organisation de ces jeunes gauchistes romantiques et fantasmer sur leur rôle décisif à venir, comme toujours selon la vision léniniste, d’avant-garde autoproclamée du prolétariat. A l’arrivée, les organisations structurées ont soit brillé par leur absence (LFI/LO/CGT) soit par leur surplombement ridicule et néfaste pour le jeune mouvement balbutiant (NPA/UNEF).
Qui pour mener des modes d’action vivants et joyeux ? Les militants matrixés d’institutions embourbés dans le légalisme des tractages et porte-à-portes ressentant des frissons d’excitation devant l’interdit d’un simple collage semblent peu à même de réaliser cette tâche primordiale pour toute perspective révolutionnaire.
Contre l’inertie des appareils, célébrons la spontanéité organisée et autonome !

UN SPLENDIDE DEUS EX MACHINA 

Le vendredi 29 avril, on pouvait assister, à l’opéra de Nancy, à une pièce de théâtre dont le titre aragonien de Fou d’amour augurait une agréable soirée pour ceux qui y assistaient. Produit d’une collaboration entre les détenus de la prison de Nancy-Maxéville et les élèves d’une école primaire, on pouvait y entendre en particulier le poème d’un jeune détenu de 23 ans. Nous n’avons pas eu le privilège d’y assister; la suite laisse néanmoins deviner la qualité de son inspiration bachique. En effet, le jeune adepte de Dionysos, trouvant sans doute que la scène – non moins d’ailleurs que sa cellule – était un terrain peu propice à la démonstration de son talent, ambitionna en coulisse d’en faire profiter la rue, plus précisément la ville, mettons plutôt le monde: enfin, il s’était envolé, comme la Médée d’Euripide à la fin de la pièce éponyme pour échapper aux suites de son crime. Preuve s’il en est, les enfants, que l’amour donne bien des ailes !

Mauvais Sang numéro 2 / Édito

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Parce que nous ne voulons pas demeurer complètement impuissants dans un contexte où la possibilité d’une nouvelle guerre mondiale refait surface, où tous les États sont au garde-à-vous pour enrôler, militariser, abrutir et domestiquer afin de sauver la marche forcée du capitalisme, nous faisons paraitre le second numéro du journal agitateur Mauvais Sang. Les différentes versions nationalistes plus ou moins militaires des discours de campagne présidentielle sont encore une fois le faux choix de qui mettra en prison nos compagnons et nos amis et de comment, de qui expulsera les sans papiers et de combien, de qui nourrira la misère sociale et avec quelle intensité. C’est la même continuité répressive qui s’avance derrière chaque proposition politique. A l’encontre de la sacro-sainte démocratie que nous aimerions voir périr, notre perspective, avec ce journal, est de contribuer à agiter le climat social, de participer activement à accentuer et vitaliser les différents conflits qui traversent notre époque, dans l’idée ambitieuse de nourrir des espoirs d’émeutes et d’insurrections et de contribuer à faire survivre et vivre l’histoire révolutionnaire. Plus que jamais la guerre aux frontières de l’Europe suscite un climat où il semble à chacun que l’histoire et l’avenir sont incertains, où de nombreuses évidences s’effondrent, un climat où il est plus que jamais illusoire de cacher la politique sous le tapis : cherchons d’autant plus à activer la haine de toute politique autoritaire !
Il est possible de nous contacter par mail, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions. Il est aussi possible que nous vous contactions, que ce soit pour entrer en conflit, pour poser des questions ou autres contributions.

Des enfants bâtards de l’anarchisme et du communisme.

Perspectives internationalistes en temps de guerre

Quelles sont-elles, et où, et avec qui, les possibilités insurrectionnelles et révolutionnaires en ce moment en Ukraine ? Quelles sont les dynamiques qui vont dans le sens d’une destruction de tous les appareils militaires, de toutes les formes de pouvoir et de contrôle ? Qu’est-ce qui lutte dans la guerre mais contre la guerre, c’est-à-dire contre la logique d’un combat entre deux appareils militaires pour le contrôle d’un territoire et d’une population ? Ces questions doivent nécessairement être tournées vers la pratique, en prise avec une réalité que nous avons encore du mal à saisir, et vont de pair avec celle, plus large, que nous aspirons à pouvoir nous poser sérieusement au niveau international : une intervention révolutionnaire dans le contexte de la guerre en Ukraine est-elle possible ?
Si nous ne parvenons pas à nous la poser, le plus largement possible et au plus vite, dans toutes les langues, tous les pays, depuis la perspective d’en finir avec les États et le capitalisme, nous risquons de voir l’horizon révolutionnaire encore plus malmené et restreint par cette guerre qu’il ne l’est déjà. Nous risquons d’être malgré nous emportés par le courant majoritaire de l’Histoire qui ne va jamais dans le sens de la Révolution : nous risquons de perdre toute autonomie en nous retrouvant entraînés dans la défense d’un des camps en présence – dans ce contexte, dans la défense de la sociale-démocratie bourgeoise et nationaliste, de l’idéologie mortifère, pleine de frontières et de barbelés, du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », c’est-à-dire du droit à se faire exploiter librement par une bourgeoisie bien de chez soi.
Toutes les postures et prises de position hors sol contre la guerre n’y pourront rien.
L’heure n’est pas aux postures, mais à l’intervention.
Nous pensons qu’il est impossible de réfléchir correctement aux différentes formes d’intervention dans une situation de guerre sans un échange intense entre ceux qui sont pris dedans, dans leurs vies et leurs quotidiens, et ceux qui vivent ailleurs et peuvent alors observer d’autres choses grâce à la distance, et en manquer d’autres. Autant les premiers que les seconds ont intérêt à lier leurs interrogations : sans cela, on peut se perdre dans l’urgence, ou on peut se perdre dans l’extériorité complètement hors sol, alors que la Révolution mondiale est un destin commun.
Aujourd’hui nous pâtissons d’une situation de faiblesse historique où nous manquons cruellement de liens, d’échanges et de pratiques communes. Mais la guerre est un moment de crise : tout peut très vite basculer. Nous pensons que tous ceux, de tous pays, qui souhaitent faire advenir une révolution mondiale, devraient multiplier les liens internationaux ! Plus que jamais, il est temps d’éprouver à nouveau la solidarité internationale des révolutionnaires !
Faisons circuler nos perspectives, nos pratiques et nos idées. Traduisons, écrivons, échangeons, dans les luttes, pour les luttes, avec pour horizon la destruction de toutes les frontières, de tous les États-nations et de toutes les fantasmagories de Peuples unis.
Il est temps de réinterroger l’histoire révolutionnaire : à l’encontre des révolutions nationales du XIXème siècle, la nécessité de l’internationalisme face aux limites des guerres d’indépendance nationale a été observée depuis longtemps. Pourtant, nous voilà encore une fois à devoir lutter contre certaines idéologies actives de défense de souveraineté nationale sous prétexte d’anti-impérialisme. À l’aune du XXIème siècle et d’une guerre meurtrière, souvenons-nous que nos perspectives radicalement anti-étatiques ne sont ni mortes, ni oubliées et qu’elles ont plus de sens que jamais !
Alors, qu’est-ce qui freine, depuis trop longtemps déjà, un internationalisme tangible, dont la nécessité nous apparaît d’autant plus lorsque les États-nations sont en crise ? Quels verrous, internes aux mouvements révolutionnaires du monde entier, les empêchent d’éclater au-delà de leurs propres frontières ? Quels qu’ils soient : faisons-les éclater, et demandons-nous comment ! Nous pouvons pour cela nous appuyer sur l’histoire foisonnante des oppositions révolutionnaires aux différentes formes de léninisme depuis maintenant plus d’un siècle : elles ont permis de sans cesse maintenir des conflictualités à l’intérieur des luttes, des crises et des guerres, contre tout ce qui allait dans le sens d’endiguer les révoltes multiples dans des cadres nationaux et réformistes.
Pour la Révolution, en Ukraine, à l’Est, à l’Ouest, au Nord, au Sud, au Zénith et au Nadir sur toute la Terre et plus loin, détruisons toutes les Nations, leurs armées et leurs économies.
Contre les dictatures, contre les démocraties,
Vite, vite, vite, retrouvons-nous pour nous demander : COMMENT ?

Nation, Crève !

Nous voyons aujourd’hui refleurir les sales bourgeons du patriotisme, du nationalisme, de la France et de son peuple, de son terroir, de sa culture et de son histoire. Cela apparaît d’autant plus que les élections présidentielles approchant, la propagande nationaliste s’intensifie et l’idéologie se renforce. Si toutes ces choses ne sont jamais mortes, si elles sont en réalité relativement victorieuses dans la société dans laquelle nous vivons, elles semblent tout du moins gagner en force et se répandre, jusqu’à s’incruster dans les luttes et les mouvements sociaux. En France, c’est le mouvement des Gilets Jaunes qui a été le douloureux symbole d’une progressive banalisation de la référence à la Nation.
Mais c’est plus largement encore dans le monde, dans d’autres pays, que ce bouquet puant semble connaître un nouveau printemps. Il est grand temps de l’arracher par la racine. L’assaut du Capitole aux États-Unis ainsi que les blocages au Canada liés aux convois de la liberté ont provoqué ces derniers temps une inquiétante sympathie, voire une fascination, chez de nombreux gauchistes. On dirait que le dépit actuel face à l’absence de puissantes perspectives révolutionnaires finit par se transmuer en un engouement à l’égard de tout ce qui s’agite un peu plus fort que le reste – et, à notre époque, c’est malheureusement parfois le drapeau de l’État qui s’agite à nouveau dans la rue. Cette sympathie – la même qui ne voyait rien de très problématique aux symboles utilisés par les manifestations des Gilets Jaunes dès 2018 – va de la banalisation (« ce ne sont justement que des symboles, des mythes, des références ») au pragmatisme (« au moins ça fédère, ça fait mouvement ») jusqu’au franc opportunisme (à cet égard les appellistes de Lundi Matin sont à la pointe, s’appuyant sur Lénine pour justifier qu’il est nécessaire de s’organiser avec les discours complotistes et réactionnaires actuels qui gravitent évidemment toujours autour de l’idée de Peuple national). Mais nous qui souhaitons voir s’épanouir un processus révolutionnaire au cours duquel l’État et le capitalisme pourraient tomber et ne plus jamais se relever, devons absolument nous confronter, sans aucun début d’accointance, à ce renouveau du nationalisme. Et ce, pas seulement parce que le drapeau tricolore est moche, où parce que la Marseillaise fait saigner les oreilles, mais surtout parce que cette mythologie, si elle prétend rassembler et unir, sert toujours à la perpétuation des institutions, et non à l’émancipation de tous. En croyant rassembler tout le monde sous une bannière commune on ne fait toujours que défendre l’idée de l’État et des frontières qui font la réalité matérielle des nations. Le renouvellement de la nation, où qu’il ait lieu, lorsqu’il devient la perspective de mouvements au départ plus spontanés et sociaux, ne manque jamais d’avoir ses fidèles soldats qui fusillent et emprisonnent les différents anti-autoritaires, anarchistes, communistes, et autres troubles-fêtes.
Les différents États, organisateurs et gestionnaires des populations du monde, ont à leur disposition tout un arsenal d’outils de coercition au service de la gestion sociale et du maintien du système économique. L’unité de la nation, le mythe de la communauté nationale, sa solidarité et son histoire sont ainsi cultivés afin de souder et d’unifier sous un même drapeau, sous une même identité, sous un même État : autant d’idoles qu’il est nécessaire de renverser. Développons dans les mouvement sociaux une critique féroce du nationalisme, car si rien ne s’y oppose, il gagnera contre nos aspirations de liberté.
Trouvons des manières de le combattre. Brûlons les drapeaux, réaffirmons sans cesse la conflictualité où nous le pouvons, au sein des mouvements et ailleurs, discutons, hurlons, blasphémons et rions contre la France et ses nombreux cousins. Attaquons leurs intérêts, où qu’ils soient, avec toute la multiplicité de techniques et d’outils que les révoltés ont développée à travers le temps.
Le sang qui coule dans nos veines n’est ni celui de Clovis, ni celui de Napoléon, pas plus que celui d’aucun roi et d’aucun français d’aucune sorte, d’ailleurs. Il n’est que du plasma, un mélange bâtard de globules visqueux qui fait fonctionner nos corps et nos cerveaux, et s’il bouillonne c’est pour les émeutes, les soulèvements, les révolutions de partout et d’ailleurs. Un sang irréductible à tout papier ou à toute autre assignation d’identité à un territoire borné !
Notre haine de la France est évidemment plus que solidaire de tous ceux qui, en Russie comme en Ukraine, réussissent à trouver un chemin par où lutter contre les États et les nationalismes qui s’affrontent aujourd’hui à travers la guerre en cours.
NIQUE LA NATION !
VIVE LA RÉVOLUTION !

La censure des médias et réseaux sociaux en Russie…

La censure des médias et réseaux sociaux en Russie n’a pas réussi à empêcher certaines nouvelles enflammées de sortir du territoire russe et de crier jusqu’à nous une splendide haine de l’armée et de l’État : différentes attaques contre des bâtiments de l’armée et de la police russes ont eu lieu depuis le début du mois de mars et se poursuivront sans aucun doute. Départ de feu dans une station de police à Smolensk, cocktails Molotov en plein dans le centre de recrutement de Voronezh, cocktails Molotov lancés en direction du Kremlin, sabotages de cheminots biélorusses contre les lignes de chemins de fer permettant l’acheminement des trains de guerre… et, surtout, incendie intégral du centre de recrutement de l’armée à Lukhovitsy (près de Moscou), dont une vidéo a pu circuler et dont un communiqué anonyme mentionne la volonté de détruire toutes les archives et listes de potentielles recrues de la ville. L’incendiaire, après avoir été arrêté le 8 mars à la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie, a réussi à s’évader quelques jours plus tard et nous espérons qu’il est encore actuellement en cavale.
Solidarité avec toutes les flammes antimilitaristes !

Quand le train de la vie déraille

À Los Angeles, à quelques kilomètres des quartiers pavillonnaires de la haute bourgeoisie américaine et des collines d’Hollywood, les pillages de trains – rappelant ceux des diligences – se multiplient, tenant en échec les flics comme le gouverneur californien aux dents blanches, Gavin Newsom, dont le désarroi et les larmes pourraient presque émouvoir, se mettant en scène devant les caméras, ramassant lui-même les cartons abandonnés par les pilleurs sur les voies.
Depuis les premiers confinements en 2020, l’Union Pacific, qui gère les transports de marchandises à travers les États-Unis, se plaint d’une explosion de ces pillages. Les trains traversent le pays pour livrer toutes sortes de commandes et sont depuis longtemps ciblés par des groupes, particulièrement dans les environs de Los Angeles. Depuis quelques mois, on trouve sur Internet des vidéos de groupes (allant parfois jusqu’à plusieurs dizaines de personnes) faisant éclater les cadenas des wagons pour y sortir télévisions, ordinateurs, produits électroménagers, vêtements de marque, bijoux, armes, et tout autre bien de valeur, laissant parfois tellement de cartons sur les voies que les trains déraillent.
En effet, sur des trains mesurant parfois plusieurs kilomètres de wagons, roulant relativement lentement, les systèmes de surveillance sont loin d’être infaillibles. Les flics, en partenariat avec Union Pacific, ont annoncé l’installation de détecteurs de mouvements et le développement de drones pour sécuriser ces rails, une technique de plus qui saura, on l’espère, être contournée par ceux qui désirent troubler l’ordre. Cette annonce de la police d’une caméra volante supplémentaire cherche davantage à créer une peur de la surveillance permanente qu’à permettre un contrôle total et effectif. Les représentants interviewés de l’Union Pacific sont résignés à constater que, peu importe la solidité des cadenas utilisés, ils ne résistent que quelques secondes aux outils des voleurs.
Que ces vols organisés soient une pratique diffuse et massive rend particulièrement difficile le sale travail des flics qui s’inquiètent de cette attaque à la propriété privée. D’autant qu’elle ne cesse de prendre de l’ampleur : les attaques ont augmenté de 356% depuis l’année dernière, ce qui correspond à 5 millions de dollars de marchandises pillées.
Espérons que cette vague de pillages nourrissent les espoirs et les pratiques de tous ceux qui refusent de se crever au travail.
Peu importe le nombre de drones, il restera toujours des goélands ou des lanceurs de pierres pour les abattre, comme des pinces pour faire éclater tous leurs cadenas !
À bas la propriété privée !

Pétons les Plombs

New York, 13 et 14 juillet 1977. Un gros orage entraîne un black-out historique qui durera 25 heures. La ville lumière s’éteint. Des émeutes et pillages irrépressibles s’emparent alors des rues, éclairées par des centaines d’incendies.
Nous ne regrettons certainement pas les 150 millions de dollars de marchandises volées, mais que l’ordre ait été rétabli une fois la panne de courant réparée. Soyons imaginatifs, n’attendons plus l’orage pour court-circuiter la normalité des villes !
La bourgeoisie a vu dans cet événement une nuit de saccages sanguinaires, fantasmes bien illustrés par le mauvais film American Nightmare : dans un monde sans lois ni ordre, l’humanité retrouverait sa « sauvagerie naturelle ». Ce mythe étatiste bien connu est le prétexte idéal à l’assainissement et la sécurisation de la ville. Ainsi, l’obscurité révélerait le visage monstrueux d’une humanité hors de contrôle. L’urbanisme sécuritaire veut une nuit toujours moins noire ; la lumière des lampadaires sera, pour ses représentants, le salut de l’humanité : Urbis securitas et nitor ! La sûreté et la propreté de la ville ! (devise apparue à Paris pendant l’installation des premiers éclairages publics qui coïncident avec l’apparition de la police en 1667).
Les lampadaires éclairent (comme les caméras surveillent) les recoins des ruelles mal famées, les petits carrefours où vivent les mauvais garçons et les survivances de toutes les cours des miracles. Ceux-ci sont bien plus efficaces que n’importe quel policier pour mater les rôdeurs, les voleurs, les escamoteurs de plans sur la comète, les cambrioleurs et les braqueurs, les louches, les loubards et les putes. Cette lumière diffuse et continue est le rêve de l’absolue surveillance et du contrôle omniscient, mais ce rêve est percé de failles, ne l’oublions pas.
Contre l’obscurantisme du capitalisme, de l’état et de toutes les religions, contre le bain aveuglant des projecteurs et des miradors, vive les lucioles ! Pour que nos nuits s’embrasent encore, pétons les plombs !
Réverbères, la lune nous suffit.